Un attentat contre des agents d'une firme de sécurité qui a le mandat de protéger un chantier de SNC-Lavalin a fait six morts et un blessé hier, dans la région de Kabylie, en Algérie.

Les travailleurs, qui se rendaient en fourgon vers leur lieu de travail, sont tombés vers 7h30, heure locale, dans une «embuscade terroriste» entre Maâtkas et Souk El Tnine, selon des sources policières locales.«Les travailleurs ont l'habitude de prendre cette route pour se rendre à Ouadhias, où se trouve le chantier des Canadiens», a expliqué à l'agence Associated Press le garde communal Saïd Kesri. Selon lui, les assaillants avaient «certainement observé leur itinéraire avant de les attaquer».

L'attentat est survenu à environ 25 kilomètres du chantier de SNC-Lavalin, sur une route publique. «Nous ne savons pas si nous étions ciblés ou non», a indiqué à La Presse Affaires la vice-présidente aux relations publiques de la firme d'ingénierie, Leslie Quinton.

La firme de sécurité pour laquelle travaillaient les victimes n'est pas engagée par SNC-Lavalin, mais plutôt par son client, l'Agence nationale des barrages et transferts (ANBT). Il s'agit d'une société d'État.

En août 2008, une attaque contre un autobus, toujours en Kabylie, avait tué 12 employés algériens de SNC-Lavalin qui se rendaient au travail. L'attentat avait eu lieu alors que l'autobus était stationné devant un hôtel, à une vingtaine de kilomètres du chantier. «Là encore, aucune preuve n'a permis de déterminer si nous étions directement visés», dit Mme Quinton.

«C'est une région plein d'instabilité, ajoute-t-elle. Il y a souvent des attaques dans cette région. On prend toutes les mesures de sécurité nécessaires selon la situation.»

Le contrat accordé à SNC-Lavalin par l'ANBT prévoit la conception, la construction et l'entretien pour cinq ans d'une usine de traitement des eaux et d'une station de pompage.

Il s'agit d'un contrat de 750 millions de dollars. La firme emploie environ 1000 employés pendant la construction, dont les deux tiers sont algériens.

«Nous avons une très bonne réputation parmi le peuple algérien», assure Mme Quinton.

Région dangereuse

L'embuscade d'hier est une des plus meurtrières enregistrées en Kabylie depuis des mois.

La semaine dernière, un policier avait été assassiné à Aït Boumahdi, non loin du lieu de l'attaque d'hier. En dépit d'un quadrillage et des ratissages à répétition de la région par l'armée, les groupes islamistes, à commencer par Al-Qaeda au Maghreb islamique, continuent d'y perpétrer régulièrement des actes de violence contre les représentants des forces de sécurité.

Mentionnant plusieurs actes terroristes, le ministère des Affaires étrangères du Canada «recommande d'éviter tout voyage non essentiel à l'extérieur des grands centres urbains en Algérie, tout particulièrement dans la région montagneuse de Kabylie».

Professeur associé à l'UQAM et membre du Centre interuniversitaire de recherche en science et technologie, Hocine Khelfaoui a expliqué à La Presse Affaires le climat tendu qui règne dans son pays d'origine, dans lequel il retourne deux fois par année.

«Il y a une grave crise sociale et économique liée en partie à l'existence d'un État de non-droit que les gens considèrent comme illégitime, soutient-il. Cela contribue à alimenter le terrorisme de manière générale.»

«Une bonne partie des jeunes sont au chômage et n'ont aucune écoute auprès du pouvoir, ajoute-t-il. Cela pousse certains d'entre eux, par désespoir, à rejoindre le maquis.»

Selon M. Khelfaoui, c'est bien l'État qui est la cible des groupes terroristes. «Les entreprises étrangères ne sont pas visées en tant que telles, mais à travers elles, le terrorisme touche l'État. Les attentats contre les entreprises étrangères sont les plus médiatisés et ça nuit à la crédibilité de l'État à l'étranger.»

- Avec Associated Press