À entendre les slogans scandés lors de la manifestation qui s'est déroulée jeudi à Paris, la solution pour financer la relance de l'économie française est toute trouvée: il faut taxer les riches.

L'idée, qui revient comme un leitmotiv dans la bouche des militants d'extrême gauche mais aussi des socialistes, est au coeur d'un vigoureux débat sur le «bouclier fiscal» qui a rebondi cette semaine à l'Assemblée nationale.

Le gouvernement de droite arrivé au pouvoir dans la foulée de la victoire présidentielle de Nicolas Sarkozy avait fait voter, à l'été 2007, une loi dans laquelle une mesure fiscale réduit de 60 à 50% l'impôt direct total qu'un citoyen français peut être appelé à payer sur ses revenus annuels.

Bien que quelques élus se soient inquiétés à l'époque de l'impact de cette initiative sur les finances publiques, son adoption s'était faite sans heurt.

Les partis de gauche en ont fait par la suite un de leurs chevaux de bataille favoris, arguant qu'il s'agit d'une illustration claire de la volonté du gouvernement de favoriser les classes aisées plutôt que d'aider les démunis.

Le discours trouve de plus en plus d'échos dans la société française à mesure que la crise économique fait sentir son effet, en particulier sur le chômage. À tel point que l'opportunité d'une révision du bouclier est maintenant évoquée par certains membres de la majorité gouvernementale.

Le député UMP Pierre Méhaignerie, membre de la commission des Finances, a ouvert le bal en début de semaine en annonçant qu'il souhaitait qu'une «contribution exceptionnelle» soit imposée aux contribuables qui gagnent plus de 300 000 par année.

Un autre député de droite, arguant que le «bouclier fiscal» était devenu un symbole «d'iniquité fiscale», a plaidé pour que son application soit suspendue pendant un an ou deux, le temps notamment de laisser passer la crise.

Le président du Sénat, Gérard Larcher, lui aussi rattaché au parti de la majorité, a déclaré que «tout était ouvert» à révision.

«Est-ce qu'on peut demander simplement à certains Français de faire des efforts et pas à d'autres?», a questionné le politicien en relevant que la situation économique a bien changé depuis que le seuil du bouclier a été révisé.

Fin de non-recevoir

Le ministre du Budget, Éric Woerth, a opposé une fin de non-recevoir à ces demandes. Il a rétorqué publiquement que le bouclier constituait une «mesure de justice, tout simplement». Et qu'il était «logique» de prévoir un seuil maximal d'imposition.

«Le bouclier fiscal, c'est dire aux Français qu'ils ne travailleront pas plus d'un jour sur deux pour l'État», a-t-il relevé.

Le président Sarkozy, que ce débat au sein de son parti a rendu furieux, a voulu couper court en soulignant il y a quelques jours qu'il n'avait «pas été élu pour augmenter les impôts». «S'il y en a que ça démange d'augmenter les impôts, ils oublient qu'on est dans une compétition», a ajouté le chef d'État, en allusion aux mesures fiscales des pays adjacents.

Plusieurs États européens, comme l'Espagne, le Danemark ou encore la Suède, disposent d'un bouclier fiscal. En Allemagne, le plus haut tribunal du pays avait conclu il y a une dizaine d'années que l'imposition d'impôts excédant, au final, 50% des revenus allait au-delà du partage «équitable» entre l'État et le contribuable.

Selon un rapport rendu public par la commission des Finances, le bouclier fiscal français a coûté 460 millions d'euros à l'État en 2008, et le gros de la somme est allé à des familles très fortunées.

Bien que le montant soit minime au regard du déficit public, il conserve une importante dimension symbolique au dire des analystes politiques, qui voient mal Nicolas Sarkozy reculer sur cet épineux dossier par crainte d'accorder une «victoire décisive» à la gauche.