Malgré les Francos qui battaient la mesure et le Festival international de jazz qui allait débuter quelques jours plus tard, Jacques-André Dupont, PDG de L’Équipe Spectra, a accepté volontiers, mercredi dernier, de prendre une pause dans sa journée pourtant fort chargée pour me rencontrer au restaurant Blumenthal — qui appartient au groupe Spectra —, situé à quelques mètres de la scène principale de la rue Sainte-Catherine.

Jacques-André Dupont est devenu PDG de L’Équipe Spectra en décembre 2013 lorsqu’il a succédé à Alain Simard, cofondateur du Festival international de jazz de Montréal, dans la foulée de la vente de Spectra au Groupe CH. Il nous explique où en est l’entreprise après cinq années de collaboration avec son partenaire evenko, lui aussi propriété du Groupe CH.

Vous avez pris la relève d’Alain Simard il y a maintenant six ans, mais votre association avec Spectra date de beaucoup plus longtemps. Quel a été votre cheminement au sein de ce groupe de musique et de spectacles ?

J’ai rejoint le Festival international de jazz de Montréal en 1988 à titre de directeur du marketing. Je suis devenu associé en 1992 et j’étais l’un des quatre actionnaires, avec les trois fondateurs, qui ont été rachetés par le Groupe CH.

J’ai toujours travaillé avec Alain Simard. Il a été mon mentor, c’est un entrepreneur qui a professionnalisé l’industrie culturelle montréalaise.

Avant la vente au Groupe CH, j’étais directeur général de Spectra et Alain avait commencé à réduire un peu son implication. Il était d’accord pour que j’assure la transition, et lorsque Geoff Molson m’a demandé d’assurer la présidence, j’ai accepté en sachant que j’avais l’appui d’Alain et d’André Ménard.

Quelles sont les activités principales de L’Équipe Spectra aujourd’hui et quelle est leur importance relative ?

L’Équipe Spectra, comme son nom l’indique, est dirigée par une équipe, non par un seul individu. On est là pour pousser le talent et animer la passion de nos gens. On est les maîtres d’œuvre de grands festivals : les Francos, le Festival international de jazz de Montréal, Montréal en lumière et Nuit blanche.

On est aussi une compagnie de disques, un gestionnaire de carrière, une compagnie de production et un gestionnaire de salles. On est propriétaire du MTELUS et de L’Astral.

Nos activités et nos revenus sont bien équilibrés. C’est sûr que notre maison de disques souffre de la crise de l’industrie, mais on a mis la force de notre groupe au service des artistes qui tirent l’essentiel de leurs revenus des spectacles vivants.

Mon travail à moi, c’est d’assurer la pérennité de nos activités et de le faire en recrutant des jeunes qui vont poursuivre notre développement.

Au chapitre du développement, quels sont les grands axes que vous avez établis pour assurer la croissance du groupe ou pour en assurer un plus grand rayonnement ?

On lance cette année notre projet d’opérer un autre site du Festival de jazz dans l’arrondissement de Verdun, rue Wellington. C’est un projet que je caressais depuis longtemps, celui d’avoir des sites satellites où vont se dérouler des spectacles simultanément à ceux des sites principaux du Quartier des spectacles.

La Ville veut développer le tourisme à Montréal ailleurs qu’au centre-ville. Comme à New York, où on ne va plus à Manhattan, mais où on choisit plutôt le Bronx ou Brooklyn.

On a lancé un appel d’intérêt à tous les arrondissements de Montréal et on a obtenu 16 projets de 14 arrondissements. On commence le projet à Verdun, c’est là qu’on va le tester. Mais la réponse qu’on a obtenue des commerçants, qui participent au financement de l’événement, a été incroyable.

L’an prochain, on pourrait avoir un deuxième site dans un autre quartier de Montréal. Je pense qu’on pourrait se rendre à cinq festivals simultanés dans cinq arrondissements.

Il n’y a pas là un danger que ces nouveaux sites viennent cannibaliser le « gros » festival du Quartier des spectacles ?

Je ne crois pas. Il y a des gens qui sont réticents à venir au centre-ville, on va se rapprocher d’eux. On va davantage développer que cannibaliser. Si ça fonctionne comme on le prévoit, on va faire voyager ce concept.

Si la Ville d’Oshawa veut avoir son festival de jazz, on va offrir de l’organiser pour eux, pas en même temps que le nôtre évidemment. Si la Ville de Gatineau souhaite avoir son festival des FrancoFolies, on va être en mesure de leur en mettre un sur pied.

En fait, vous souhaitez créer des franchises ?

Oui, et on vise à les développer à l’international, aux États-Unis et en Europe. On se donne quelques années pour tester nos modèles de festivals satellites pour les exporter par la suite. On va toujours garder notre fenêtre à Montréal, mais on veut exporter notre expertise en organisation d’événements.

Depuis que vous êtes dans le giron du Groupe CH, est-ce que vous avez créé des liens particuliers avec evenko, un autre important producteur de spectacles, et avec le festival Juste pour rire, qu’evenko a acheté l’an dernier en association avec Bell ?

Oui, bien sûr. Evenko est une organisation qui fait un travail incroyable. Il y a 10 ans, evenko produisait 50 spectacles de jeunes artistes par année à Montréal. Aujourd’hui, ils en produisent plus de 600. Ils sont d’ailleurs de bons partenaires pour nos salles MTELUS et L’Astral.

On fait des affaires ensemble. Prenez, par exemple, Marie-Mai. C’est Spectra qui est sa maison de disques, mais c’est evenko qui est son producteur de spectacles et de tournées.

On a développé des expertises que l’on partage. evenko n’avait pas d’équipe de relations gouvernementales, alors c’est nous qui nous en occupons, tout comme de leurs activités de commandites. Je suis PDG de L’Équipe Spectra, mais je suis aussi vice-président exécutif du Groupe CH. On se rencontre toutes les semaines.

Je siège également au conseil d’administration de Juste pour rire. Ce sont nos équipes de marketing, de commandites et de relations gouvernementales qui s’occupent maintenant de ces services pour Juste pour rire.

On s’occupe aussi de la gestion de leurs sites de spectacles. Pour la première fois cette année, Juste pour rire va utiliser les scènes du Festival de jazz, on réalise ainsi des économies importantes.

On est en pleine période des festivals et vous embauchez quelque 2000 personnes, principalement des étudiants, pour la durée des festivités. Est-ce que vous avez des problèmes de recrutement ? 

Non, pas vraiment. On a beaucoup de gens qui reviennent année après année. Et plusieurs décident de profiter de l’été pour travailler dans tous les festivals, aux Francos, au Jazz, à Osheaga, à ÎleSoniq, à Heavy Montréal et aussi maintenant au festival Juste pour rire.