Fondée en 1987 avec la mise en exploitation d'une première carrière de granite au Lac-Saint-Jean, la société Polycor est devenue il y a deux ans le plus gros producteur de pierres naturelles en Amérique du Nord avec l'acquisition de deux entreprises aux États-Unis. Il y a trois semaines, Polycor a posé les premières pierres de sa prochaine expansion en Europe en bouclant l'achat de quatre carrières de calcaire en France. Portrait d'un acteur québécois émergent dans une industrie qui existe depuis des milliers d'années.

Patrick Perus, le PDG de Polycor, dont le siège social est installé à Québec, le confesse d'emblée, il voue une admiration sans bornes à l'endroit de la société Stella-Jones, le fabricant montréalais de poteaux de téléphone et de traverses de chemin de fer.

« Ils opèrent de façon admirable en consolidant un secteur qui n'intéresse personne, tout en dégageant une profitabilité exemplaire.

« Nous aussi, on est dans un secteur d'activité qui n'est sur le radar de personne, mais qui est capable de générer beaucoup de croissance. Il y a 10 ans, on réalisait des revenus de 40 millions alors qu'ils atteignent aujourd'hui 210 millions », m'explique ce Français d'origine qui dirige Polycor depuis 2007.

Ce sont les frères Irénée et Jean-Nil Bouchard et Charles Belzil qui ont fondé Polycor en 1987 en opérant une carrière de granite au Lac-Saint-Jean. Durant les années 90, Polycor a pris de l'expansion au Canada et consolidé le marché en réalisant une série d'acquisitions.

« En 2003, Polycor opérait une quinzaine de carrières au Canada et vendait beaucoup aux États-Unis. L'entreprise voulait se prémunir d'une hausse de la valeur du dollar canadien et a donc réalisé une première acquisition aux États-Unis en achetant Georgia Marble à Atlanta où j'étais le chef des opérations », relate Patrick Perus.

En 2007, les trois associés québécois ont vendu Polycor à une firme d'investissement privée, LBO France, et Patrick Perus a été nommé PDG au siège social de Québec.

« Après la crise de 2008-2009, les choses se sont replacées et moi et l'équipe de direction de Polycor, on a racheté, en 2012, l'entreprise à LBO France avec le soutien financier de la banque américaine PNC », raconte Patrick Perus.

UNE OUVERTURE CONSOLIDATRICE

Il y a deux ans, le visage de Polycor s'est considérablement modifié lorsque l'entreprise a réalisé l'acquisition des sociétés Rock of Ages et Swenson Granite, les deux plus importants producteurs de pierres naturelles aux États-Unis.

« Les deux entreprises appartenaient à la même famille. On a mis la main sur 15 carrières - dont les 9 carrières les plus connues aux États-Unis - et 7 usines de transformation. On est aujourd'hui le plus important groupe en Amérique du Nord avec un total de 30 carrières de pierres naturelles, 15 usines de première transformation et 900 employés », résume Patrick Perus.

Pour réaliser pareille transaction - qui s'élevait à plus de 200 millions -, Polycor s'est associée cette fois à la banque d'investissement torontoise Torquest qui a pris une participation majoritaire dans la société.

Le management de Polycor ne contrôle plus que 15 % des actions contre 70 % pour Torquest et 15 % pour la banque PNC.

« Le contrôle de l'entreprise n'est et n'a jamais été un enjeu. Nous, on veut consolider le marché qui est encore très morcelé et on a trouvé le partenaire financier pour nous épauler dans cette démarche », dit Patrick Perus.

« On peut encore doubler de taille aux États-Unis et on débute seulement notre implantation en Europe avec l'acquisition des quatre carrières que l'on vient de réaliser en France », explique Patrick Perus.

D'ici quatre à cinq ans, Torquest cherchera normalement à monnayer son placement dans Polycor et l'éventualité d'un premier appel public à l'épargne semble la plus susceptible de se réaliser.

« Nous, on veut que Polycor demeure une société basée et dirigée de Québec et on va travailler pour que cela se réalise », assure son PDG.

REDORER LE LUSTRE DE LA PIERRE

Avec la taille qu'elle a acquise aujourd'hui, Polycor est mieux équipée pour vendre les avantages de la pierre dans les grands travaux de construction en insistant sur le caractère vert de ce matériau par rapport au béton, à l'acier ou au verre.

« On est un produit naturel qui n'est pas énergivore et qui n'a pas besoin de pétrole pour être produit. On est utilisé depuis des millénaires partout dans le monde. Mais comme on est dans un secteur qui est morcelé, on n'avait pas la force de frappe pour se vendre. On va changer cela », insiste Patrick Perus.

Les pierres de Polycor ont servi à la construction du Capitole des États-Unis, à Washington, et à 15 capitoles d'États sur la cinquantaine que l'on retrouve aux États-Unis. Les pierres de Polycor ont servi à l'édification de la statue de Lincoln, du New York Stock Exchange, du MoMA...

À Montréal, les pierres de l'Édifice Sun Life, rue Metcalfe, ont été extraites au début du siècle dernier de sa carrière à Stanstead, dans les Cantons de l'Est.

« À Washington, New York, Montréal et Boston, on peut voir dans un périmètre de 10 pâtés de maisons au moins un produit de Polycor », relève fièrement son PDG.

Il y a trois semaines, Polycor a racheté du groupe français Rocamat quatre carrières de calcaire situées en Bourgogne. Il s'agit d'une première incursion sur le Vieux Continent, mais du début d'une expansion prochaine, anticipe Patrick Perus.

« Rocamat était en redressement judiciaire et on l'a aidée en rachetant certaines de ses carrières. C'est une première incursion en Europe, mais là aussi c'est une industrie fragmentée que l'on souhaite consolider. Ce n'est que le début pour nous », précise le PDG.