Originaire de Tingwick, une petite municipalité du Centre-du-Québec, Suzanne Blanchet s'est jointe à Cascades en 1978, à l'usine et bureau-chef de Kingsey Falls, à 20 kilomètres de sa maison natale. Tout juste sortie de l'école, comptable de formation, elle a été successivement contrôleur, directrice d'usine, directrice générale et enfin présidente et chef de la direction du Groupe Tissu qu'elle dirige depuis 1995.

Suzanne Blanchet ne s'en cache pas, elle a la fibre Cascades inscrite dans son code génétique.

Depuis plus de 30 ans, elle participe au développement du groupe de pâtes et papier, où elle supervise depuis plus de 15 ans le Groupe Tissu, soit la division qui chapeaute la production de tous les papiers domestiques: serviettes de table, papier mouchoir, papier hygiénique, essuie-tout, essuie-main, papier chiffon.

Bien malgré elle - et malgré son jeune âge - elle se retrouvera avec le départ prochain d'Alain Lemaire, doyenne de la haute-direction du Groupe Cascades. «Je ne tiens pas de statistiques à ce sujet-là», précise-t-elle en riant lorsqu'on lui rappelle ce prochain jalon de sa carrière chez Cascades.

Suzanne Blanchet préfère nettement enchaîner sur la prochaine étape que le Groupe Tissu franchira en 2012 lorsque les ventes surpasseront pour la première fois la marque du milliard de dollars.

«En 1995, avant que l'on réalise l'acquisition de Papiers Perkins et de ses trois usines à Laval, Lachute et Candiac, on réalisait des ventes de 125 millions. On a doublé nos revenus à 250 millions et là, cette année, on franchit le cap du milliard», souligne la PDG.

Plein cap sur le Sud

C'est au cours de la décennie 2000 que le Groupe Tissu a accéléré son rythme de croissance en procédant à l'acquisition de huit usines aux États-Unis entre 2001 et 2006.

«Ç'a été une période intense. On a bien établi notre présence aux États-Unis où l'on couvre aujourd'hui la Cote Est, le Centre et l'Ouest. On a maintenant huit usines aux États-Unis et neuf au Canada depuis l'acquisition cette année de l'usine Papersource à Granby.

«Soixante-dix pour cent de notre production est tout de même réalisée aux États-Unis. Un pourcentage qui va être légèrement modifié avec l'ajout de notre nouvelle usine de Granby», précise Suzanne Blanchet.

Comme tous les produits Cascades, ceux du Groupe Tissu sont fabriqués à 100% à partir de fibres recyclées. Cascades Groupe Tissu est le quatrième plus important producteur de papier tissu en Amérique du Nord mais il est le leader dans le segment des papiers «verts», ceux que l'on retrouve notamment sous la dénomination Enviro, de Cascades.

La production de Cascades Groupe Tissu vise deux marchés: le commercial - les papiers hygiéniques vendus en magasin sous la marque Cascades ou sous marques privées - et l'industriel, qui regroupe les papiers vendus aux institutions, bureaux, restaurants et manufactures.

Au Canada, les ventes commerciales représentent 35% du chiffre total tandis qu'aux Etats-Unis, 50% de la production est écoulée dans les commerces de détail et l'autre 50% dans le marché industriel.«Au Canada, on vend seulement 5% de notre production sous la marque Cascades mais on veut augmenter ce pourcentage principalement au Québec et en Ontario. On va lancer une importante campagne publicitaire au début de 2012 pour mieux faire connaître notre marque», explique Suzanne Blanchet.

Aux États-Unis, Cascades ne commercialise pas encore à grande échelle son papier sous sa marque propre. Ceci dit, le papier tissu Cascades - certifié Enviro - est abondamment utilisé par les grandes chaînes de détail tant américaines que canadiennes. Que ce soit Métro, Loblaw, Jean Coutu, Costco, Wal-Mart ou Walgreens.

Les défis

Avec ses ventes qui franchiront le cap du milliard en 2012, le Groupe Tissu contribuera au quart du chiffre d'affaires total de Cascades mais Suzanne Blanchet devra encore manoeuvrer dans un environnement qu'elle qualifie de «challengeant» pour dégager une profitabilité acceptable.

«Cette année, on a dû composer avec des coûts en explosion. La tonne de fibre recyclée qui se vendait 50$ en 2008 a atteint le niveau record de 250$ en cours d'année. Cela a fait une pression énorme sur nos marges», constate la PDG.

Si Cascades a été active sur le front des acquisitions américaines au début des années 2000 en achetant des usines en difficultés qu'il a fallu relancer, elle doit aujourd'hui absolument moderniser ses installations.

La vigueur persistante du dollar canadien force aussi l'entreprise à dégager rapidement d'importants gains de productivité.

«On doit acheter de nouvelles machines à papier. On devra investir massivement dans nos équipements tout comme on doit arriver à réduire nos coûts de main d'oeuvre», observe Suzanne Blanchet.

À cet égard, Cascades a mis en place des systèmes de suivi intensif de la production. De son Blackberry, Suzanne Blanchet peut voir à tout moment du jour et de la nuit, en temps réel, la performance de production de chacune des usines du Groupe.

Un tableau permet de comparer la cadence en cours à celles réalisées dans le passé.

«Ce qu'on fait, on le fait très bien, insiste Suzanne Blanchet, mais il faut être meilleur encore. On a pas le choix.»

La décision stratégique

L'entrée en force aux États-Unis, par une série d'acquisitions rapprochées au début des années 2000, a été la décision stratégique déterminante qu'a prise Suzanne Blanchet depuis qu'elle assume la direction générale de Cascades Groupe Tissu.

«Après avoir acheté Papiers Perkins en 1995, on avait une bonne base d'opérations canadiennes. En faisant l'acquisition de huit usines en cinq ans, on a pu créer un réseau qui nous place aujourd'hui comme quatrième plus important producteur de papier tissu aux États-Unis, derrière Georgia-Pacific, Kimberley-Clark et Procter & Gamble», souligne Suzanne Blanchet.

«On réalise 70% de nos revenus aux États-Unis, ce qui n'est pas négligeable. Ça nous a permis d'aller chercher des gros clients comme Wal-Mart, Costco et Wallgreens.

«La demande pour les produits verts va toujours en augmentant, on va donc hausser nos revenus en modernisant nos usines», anticipe Mme Blanchet.