Le fabricant Dorel (T.DII.B) a beau se dire à l'abri des récessions, ses dirigeants admettent ne pas savoir comment s'en sortira son secteur des vélos.

«L'avenir du secteur bicyclettes reste imprévisible car les achats des consommateurs sont irréguliers», a déclaré Jeffrey Schwartz, chef de la direction des finances de l'entreprise montréalaise, au cours de l'assemblée annuelle des actionnaires, mercredi.

Dorel a fait l'acquisition de Pacific Cycle, qui regroupe les marques Schwinn, Mongoose et GT, en 2004, et du fabricant haut de gamme Cannondale, l'an dernier.

La récession actuelle est donc la première que Dorel vit dans ce segment de marché.

«Ce n'est pas constant: nous pouvons connaître une bonne semaine suivie d'une semaine très faible», a illustré M. Schwartz lors d'une rencontre avec les journalistes à l'issue de l'assemblée.

En excluant l'acquisition de Cannondale, les ventes du secteur des bicyclettes ont reculé au premier trimestre de 2009 par rapport à la même période de l'an dernier. Cela a contribué à la baisse de 33 pour cent du bénéfice d'exploitation de la division, tout comme la décision de plusieurs consommateurs de se tourner vers des modèles moins chers.

Jeffrey Schwartz a reconnu mercredi que Dorel avait peut-être payé trop cher - près de 200 millions $ US - pour Cannondale, comme on peut le dire aujourd'hui de plusieurs transactions effectuées avant la crise boursière de l'automne dernier.

«C'aurait été mieux d'acheter Cannondale cette année, a-t-il convenu. Mais nous envisageons le long terme et nous croyons que la bicyclette sera un bon secteur d'activités.»

Le fabricant compte appliquer au secteur des vélos la même recette qu'il a employée pour devenir un joueur majeur des produits de puériculture. «Toutes les erreurs que nous avons faites, puis corrigées dans ce domaine, nous allons les mettre à profit de façon à devenir un plus gros joueur dans les bicyclettes, mais plus rapidement, nous l'espérons (que dans les produits de puériculture)», a expliqué M. Schwartz.

La direction de Dorel ne craint pas la réaction des aficionados du vélo à la décision récente de transférer la production des cadres des vélos Cannondale à Taïwan, ce qui entraînera la suppression de 200 postes à Bedford, en Pennsylvanie.

«Les revendeurs préféreraient qu'ils soient fabriqués aux États-Unis, mais ils ne veulent pas nécessairement payer les coûts additionnels qui y sont rattachés», a affirmé Jeffrey Schwartz, en faisant remarquer que l'assemblage final continuerait d'être effectué à Bedford.

Le dirigeant a souligné que les cadres en carbone, très en vogue actuellement, exigent beaucoup de main-d'oeuvre et que l'usine américaine n'était pas assez «efficace» avec ce matériau. La plupart des grands fabricants de vélos ont déjà transféré leur production en Asie.

Dorel, qui fabrique également des meubles à assembler, des sièges d'auto pour enfants et des poussettes, entre autres, compte encore six usines en Amérique du Nord, dont trois au Canada (Cornwall, Montréal et Vancouver). La moitié de sa production provient toutefois d'Asie, ce qui lui permet d'abaisser significativement ses coûts et son taux d'imposition global, qui se situe dans la fourchette très avantageuse de 15 à 20 pour cent.

Trop de rappels?

À l'instar des autres fabricants de produits pour enfants, Dorel doit régulièrement procéder à des rappels auprès des consommateurs. Le président et chef de la direction de l'entreprise, Martin Schwartz, s'est demandé mercredi si les autorités n'en faisaient pas trop, notamment lorsqu'elles agissent à titre préventif, en l'absence de plaintes des consommateurs.

«Les organismes (de réglementation) ont récemment eu mauvaise presse parce qu'ils ont fait preuve d'un peu de laxisme à l'égard de certains produits qu'ils auraient peut-être dû rappeler, a-t-il lancé. Ils sont un peu en mode panique et ont, je pense, réagi de manière excessive, mais les choses se replaceront.»

Devant les actionnaires, Martin Schwartz a par ailleurs promis le lancement d'ici l'été d'une gamme améliorée, sur le plan de la sécurité, de produits pour enfants. Il n'a pas voulu en dire davantage, mais a tout de même avancé que les nouveaux produits, qualifiés de «révolutionnaires», allaient stimuler les revenus.

L'entreprise ne prévoit pas d'acquisition majeure cette année, préférant réduire sa forte dette et terminer l'intégration des achats des derniers mois.

Dorel a connu en 2008 la meilleure année de son histoire, avec un chiffre d'affaires de 2,2 milliards $ US et un bénéfice net de 113 millions $ US. Toutefois, au premier trimestre de cette année, le chiffre d'affaires s'est établi à 525 millions $ US et le bénéfice net, à 28 millions $ US, ce qui a été inférieur aux résultats du premier trimestre de l'an dernier.

En fin d'après-midi, mercredi, l'action de Dorel s'échangeait à 22,26 $, en baisse de 1,2 pour cent. En réponse au commentaire d'un actionnaire, les dirigeants ont admis qu'ils ressentaient eux aussi de la «frustration» quant à la faible valeur boursière de l'entreprise par rapport à ses profits.