La tergiversation de Donald Trump en matière de sanctions commerciales crée une incertitude tant économique que diplomatique mais pourrait finir par payer, estiment des analystes.

La pression mise sur la Chine pour réformer ses méthodes commerciales et ouvrir son marché peut ainsi se traduire par des mesures concrètes qui seraient également dans le propre intérêt de Pékin. Mais les zigzags de la politique américaine illustrés par les tweets du président américain rendent difficile de discerner ses buts ultimes.

La Chine « doit mettre un terme au commerce déloyal et abaisser ses barrières », a-t-il ainsi tweeté le 7 avril. Mais, dès le lendemain, un autre tweet affirmait : « le président Xi [Jinping] et moi seront toujours amis quoiqu'il arrive dans nos disputes commerciales ».

Pas plus tard que jeudi, le président américain a fait volte-face sur l'accord commercial transpacifique dont il était sorti juste après son arrivée au pouvoir en janvier 2017 et a chargé les membres de son administration d'étudier une possible réintégration.

Mais le soir même, un nouveau tweet précisait que celle-ci ne se ferait que si les États-Unis reçoivent un traitement « significativement meilleur » que celui négocié par son prédécesseur Barack Obama avec onze pays riverains de cet océan, hormis la Chine.

Son offensive vise avant tout Pékin avec une escalade verbale entre les deux capitales qui se menacent mutuellement de sanctions. Les seules jusqu'ici appliquées sont les taxes de 10 % sur l'aluminium et de 25 % sur l'acier décidées par Trump mais dont il a exempté ensuite de nombreux pays alliés.

Si jamais les deux capitales passaient de la parole aux actes, le coût pour les consommateurs et les entreprises pourrait être lourd.

« Les entreprises s'inquiètent de l'escalade des tensions commerciales et la perspective de ripostes coup pour coup avancée ces dernières semaines est inquiétante », juge Jake Colvin, vice-président du National Foreign Trade Council, une organisation de promotion des entreprises américaines.

Le conflit « crée de l'incertitude et de la confusion pour les milieux professionnels », a-t-il souligné à l'AFP.

Le pire avant le meilleur

Si beaucoup d'entreprises partagent les inquiétudes sur l'attitude de la Chine, « la question qui nous taraude est de savoir comment améliorer les choses plutôt que de les aggraver », juge M. Colvin.

Washington pourrait aussi décider de restreindre les investissements chinois aux États-Unis dans les secteurs considérés comme sensibles, tels que les nouvelles technologies, l'informatique et les télécommunications.

Certains responsables d'entreprises chinois ont à ce propos déjà fait part de leur intention de retarder certains de leurs investissements en raison de la confusion qui règne.

Robert Manning, expert en relations sino-américaines à l'Atlantic Council, qualifie l'approche observée par Donald Trump en matière commerciale de « cinglée » mais reconnaît que sa méthode musclée pourrait fonctionner.

Le président Xi a ainsi récemment prononcé un discours dans lequel il a promis de réduire les tarifs qui frappent l'importation de voitures américaines et d'assouplir les restrictions posées aux investissements des entreprises américaines en Chine.

Ces engagements lui ont valu les remerciements du président américain.

Si certains analystes, comme ceux du US-China Business Council, ont fait remarquer que ce n'est pas la première fois que les dirigeants font de telles promesses sans jamais les concrétiser, Robert Manning pense toutefois que l'offensive de Trump n'y est pas pour rien.

« Si vous lisez attentivement le discours de Xi, il faut donner un certain crédit à Trump. Au moins au niveau de la rhétorique, il a évoqué tous les points qu'il a soulevés ».

« Mais cela va s'aggraver avant de s'améliorer », prévient-il toutefois.

Quel est le but ?

Si M. Trump a montré une grande impulsivité et n'a pas ménagé ses coups, « il y a beaucoup de choses actuellement jetées en l'air qui peuvent fournir une bonne base de négociations sérieuses », juge Robert Manning.

Des compagnies chinoises comme Alibaba et TenCent poussent de leur côté à des réformes car elles veulent pouvoir investir aux États-Unis, souligne l'analyste.

Selon Jake Colvin, l'attention portée par Donald Trump et ses conseillers au déficit commercial avec la Chine est toutefois dangereuse.

« La balance commerciale n'est pas une bonne façon de mesurer la santé d'une relation commerciale », affirme-t-il. Washington ferait mieux de travailler avec ses alliés en Europe et au Japon pour faire pression sur la Chine afin qu'elle change de politique.

« Quel est le but du jeu ? Il faut vraiment se poser la question de quel est notre but et de comment y arriver », recommande-t-il. Selon lui, « le but ne doit pas être une réduction temporaire de notre déficit avec la Chine. »