À trois jours de fêter ses 100 jours au pouvoir, samedi, l'administration Trump a proposé une baisse historique des impôts, notamment pour les entreprises, mais cette réforme présentée comme «auto-financée» devra encore passer l'obstacle du Congrès.

À trois jours de fêter ses 100 jours au pouvoir, samedi, l'administration Trump a proposé une baisse historique des impôts, notamment pour les entreprises, mais cette réforme présentée comme «auto-financée» devra encore passer l'obstacle du Congrès.

«C'est un plan extra», a assuré Donald Trump à la Maison-Blanche mercredi, «cela va remettre les gens au travail».

Concrètement, le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin et le conseiller économique Gary Cohn ont présenté à la presse non pas un plan détaillé, mais une seule page, avec trois grands principes:

- une baisse de l'impôt sur les sociétés de 35% à 15%;

- une réduction de 7 à 3 du nombre de tranches de l'impôt sur le revenu des particuliers, de 10% à 35%, contre 39,6% au maximum maintenant;

- et une suppression de presque toutes les possibilités de déductions fiscales, dans le but d'une simplification extrême, afin que les ménages puissent faire leur déclaration sur une seule page.

«Rendre l'impôt sur les sociétés plus compétitif, rapatrier des milliers de milliards de dollars afin de créer des emplois, simplifier l'impôt sur le revenu, réduire les impôts. Ces principes de base ne sont pas négociables», a déclaré Steven Mnuchin.

«Nous voulons stimuler la croissance économique», a déclaré Gary Cohn.

Retour aux années Reagan

L'objectif est de faire adopter la réforme en 2017. «Nous allons aussi vite que possible», a dit le secrétaire au Trésor.

Selon Gary Cohn, ce sera la plus grande réforme fiscale depuis Ronald Reagan en 1986, et «l'une des plus grandes baisses d'impôts de l'histoire américaine».

Donald Trump, qui a pris ses fonctions en janvier, avait promis pendant sa campagne de remettre à plat le complexe code des impôts, dont il a lui-même été accusé de profiter à l'extrême pour alléger sa facture fiscale de promoteur immobilier pendant des décennies.

Le président américain lance ainsi un nouveau chapitre de son mandat, alors que la Maison-Blanche vante déjà le bilan des 100 premiers jours (Syrie, réduction des arrivées de clandestins, Cour suprême, déréglementation...), bilan amaigri cependant par les échecs de ses décrets migratoires et de l'abrogation de la loi sur la santé «Obamacare».

Mais cette proposition de réforme fiscale de la Maison-Blanche reste bien à ce stade... une proposition.

Elle passera en effet à la moulinette du Congrès, contrôlé par des républicains qui ne sont pas forcément sur la même longueur d'onde que l'exécutif, notamment sur la rigueur budgétaire.

Leurs chefs, dans un communiqué, ont qualifié le plan Trump de «guide précieux», et non de base de négociation. Ils ont ainsi choisi de mettre en valeur les points d'accord (baisse du niveau d'imposition, simplification, incitation au rapatriement des liquidités des entreprises à l'étranger...), sans approuver aucun point spécifique.

Ils avaient d'ailleurs élaboré depuis des mois leur propre plan, que M. Trump n'a finalement pas repris.

Beaucoup d'élus veulent éviter une explosion des déficits et se méfient d'une baisse générale des impôts non compensée. Depuis les dérives des années Bush et les dépenses du début des années Obama, les républicains se sont en effet posés en garants de l'équilibre budgétaire.

«Les copains milliardaires»

Steven Mnuchin a tenté de les rassurer par avance en affirmant mercredi que le plan Trump «s'auto-financerait», c'est-à-dire qu'il créera de la croissance, qui en retour créera plus de contribuables et générera suffisamment de nouvelles recettes fiscales pour compenser le manque à gagner de la baisse d'impôt.

Un raisonnement popularisé dans les années 1980 mais contesté par de nombreux économistes, de droite comme de gauche.

«Il n'y a jamais eu une seule analyse crédible (...) pour suggérer que les réductions d'impôts vont se financer elles-mêmes», a ainsi plaidé auprès de l'AFP le républicain Douglas Holtz-Eakin, président du centre d'études économiques American Action Forum.

De son côté, l'opposition démocrate a dénoncé un plan qui profiterait d'abord aux plus riches, y compris à la famille Trump.

«Il sabrerait les impôts pour lui-même et ses copains milliardaires, tout en augmentant le déficit sans rien faire pour la classe moyenne», a déclaré le sénateur Bernie Sanders.

Le secrétaire au Trésor a aussi profité de l'occasion pour réaffirmer que le magnat de l'immobilier devenu président n'avait, contrairement à ses prédécesseurs, «pas l'intention» de rendre publiques ses déclarations d'impôts, objet d'intenses spéculations tant les contours de sa fortune restent entourés d'un épais mystère.

«Le président a publié beaucoup d'informations», a-t-il affirmé, sans préciser ce à quoi il faisait référence.

Des coupes d'impôts qui se financent d'elles-mêmes: des économistes sceptiques

L'administration Trump assure que les réductions d'impôts qu'elle projette ne coûteront rien au budget de l'État et se financeront d'elles-mêmes en dopant la croissance et donc les revenus du pays, mais de nombreux experts doutent de l'ampleur de cet impact.

«Je crois fermement au «dynamic scoring»» («comptabilité dynamique»), répète à l'envi le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin, évoquant cette méthode comptable qui mesure l'impact des réductions d'impôts sur la taille de l'économie et la croissance.

Selon ce concept, les coupes d'impôts, si elles sont suffisamment importantes, vont nourrir la croissance, qui elle-même va générer plus de revenus et donc davantage de recettes pour l'État.

Il paraît légitime de penser en effet qu'un profond changement dans le code fiscal tel que l'envisage l'administration Trump peut mener un entrepreneur à embaucher ou investir davantage et un consommateur à dépenser plus.

M. Mnuchin assure ainsi que les réductions d'impôts «se financeront d'elles-mêmes» et qu'avec les efforts pour déréguler l'économie, la croissance va doubler son rythme de croisière à 3% voire plus, au lieu de 1,6% en 2016 et moins de 2% par an en moyenne sur la dernière décennie.

Cette méthode d'évaluation a été utilisée parfois par le Bureau du budget du Congrès (CBO) lors de l'élaboration de grands projets de réformes comme l'Obamacare sur la santé ou les plans de réformes de l'immigration pour évaluer leurs conséquences sur l'expansion du Produit intérieur brut.

Mais plusieurs experts rejettent cette vision optimiste de l'impact des allègements d'impôts.

«Il n'y a jamais eu une seule analyse crédible sur la base du «dynamic scoring» pour suggérer que les réductions d'impôts vont se financer elles-mêmes», a assuré à l'AFP Douglas Holtz-Eakin, président du centre d'études économiques American Action Forum.

Impact partiel

Pour ce républicain, ancien directeur du CBO, il est vrai que les abattements d'impôts peuvent avoir un impact, mais seulement fragmentaire, sur la croissance des revenus.

«Si vous réduisez les impôts d'un dollar, il se peut que l'économie avance plus vite et vous gagnerez en retour 25 ou 30 cents en recettes supplémentaires. Cela réduit donc d'autant le déclin des revenus de l'État» qui aurait été d'un dollar. «Mais vous aurez encore un déficit de 70 ou 75 cents. Vous ne pouvez pas compter sur la croissance pour résoudre ce problème», ajoute cet ancien conseiller économique du républicain John McCain, candidat à la présidence en 2008.

Mark Mazur, l'ex-secrétaire adjoint au Trésor de l'administration Obama responsable des recettes fiscales, se classe aussi parmi «les sceptiques».

«Je ne connais pas de cas où une réduction d'impôt se soit financée d'elle-même», a indiqué à l'AFP cet ancien responsable démocrate, maintenant directeur de l'Urban-Brookings Tax Policy Center.

«Je n'ai pas vu de signe que ce soit arrivé depuis le milieu des années 1980 jusqu'à maintenant», a-t-il poursuivi.

Il cite au contraire les hausses d'impôts de Bill Clinton en 1993 qui n'avaient pas empêché l'économie d'être très dynamique les années suivantes et au budget de revenir à l'équilibre quelques exercices plus tard. À l'inverse, «en 2001, le président George W. Bush a passé des réductions d'impôts et on ne peut pas dire que le milieu des années 2000 ait été une grande période pour l'économie», ajoute cet expert.

Si ces économistes reconnaissent que des coupes d'impôts massives peuvent avoir un impact «partiel» sur la croissance, celle-ci est avant tout portée par une augmentation de la population active ou des améliorations de la productivité, a ajouté l'ancien responsable du Trésor.

Virginie Montet