En étalant publiquement que JPMorgan Chase devait lever plus de 20 milliards de dollars, la Réserve fédérale américaine (Fed) a infligé un revers cinglant à la première banque du pays et montré sa préférence pour les banques traditionnelles.

La banque centrale a dévoilé mardi une règle imposant aux huit grandes banques américaines, dont Goldman Sachs, Citigroup, Bank of America, Wells Fargo et Morgan Stanley, de consolider davantage leur matelas de sécurité.

Ces établissements, qui ont déjà levé des milliards de dollars depuis la crise pour se renforcer, doivent disposer d'une marge de fonds propres supplémentaire de 1% à 4,5% de leurs actifs risqués. Le but est qu'ils puissent absorber les pertes en cas de crise sans avoir à faire appel aux deniers publics.

JPMorgan, dont les activités sont complexes (banque de détail, opérations de courtage, conseil financier...), serait la plus affectée au vu de sa taille, selon la Fed.

Plus de «forteresse» 

Il est «raisonnable» de penser que la banque devrait avoir des fonds propres équivalant à 11,5% de ses actifs, a dit mercredi Marianne Lake, la directrice financière lors d'une conférence à New York.

Les fonds de la banque sont estimés actuellement par les analystes à 163 milliards, soit 10,1% de ses actifs. Pour se conformer à la nouvelle règle, l'ex-meilleur élève de Wall Street devrait donc lever un peu plus de 22 milliards de dollars.

«Ce n'est pas complètement une surprise», avance Mme Lake. D'après des sources proches de l'établissement, JPMorgan ne prévoit pas de procéder à une opération d'augmentation de capital. Elle examine d'autres options, dit-on de même source, en ajoutant que la banque devrait être en règle dans les deux ans et demi.

L'une des pistes pourrait être de puiser dans ses gros bénéfices, selon le courtier RBC Capital Markets, qui estime que la banque devrait enregistrer en moyenne 23 milliards de dollars de profits par an sur la période 2015-2019. L'an dernier JPMorgan a enregistré près de 18 milliards de dollars de bénéfices malgré une amende de 13 milliards de dollars.

Seul hic, «la banque ne pourrait peut-être plus proposer aux actionnaires le même niveau de retour sur investissements qu'actuellement», dit RBC.

Or pour financer certaines de ses activités comme le courtage, JPMorgan s'endette souvent à court terme auprès des marchés en attente de forts rendements. Une diminution des dividendes suffirait à expliquer une diminution du cours de l'action.

Frein à la croissance 

La «claque réglementaire à JPMorgan vise à ce que les grandes banques dépendent moins du financement à court terme pour leurs opérations», estime Jeremy Hill chez Old Blackhealth Companies. «JPMorgan n'est plus une forteresse», conclut-il.

La nouvelle règle est en effet établie par rapport au financement de gros à court terme pouvant se tarir très vite en cas de crise. Les banques d'affaires (Goldman Sachs, Morgan Stanley) et celles aux opérations globales (JPMorgan Chase, Bank of America et Citigroup) en sont friandes.

L'objectif visé est d'«atténuer les risques potentiels que les établissements financiers d'importance systémique peuvent poser pour la stabilité financière et notre économie», explique la présidente de la Fed, Janet Yellen.

Pour l'industrie, cette décision pose un problème de compétitivité par rapport aux banques européennes, dont le niveau des fonds propres doit équivaloir à 7% de leurs actifs, d'après les règles de Bâle III.

«Exiger des banques américaines une structure de fonds plus stricte que nos rivaux mondiaux est une décision économique mal avisée», fustige Richard Foster du lobbying bancaire Financial Services Roundtable.

Cette règle est une restriction à la croissance pour les grandes institutions, estime auprès de l'AFP le responsable d'une grande banque. Elle rend difficile l'exercice de certaines activités comme le courtage, renchérit un autre.

À l'inverse, la Fed semble avantager les banques traditionnelles, celles qui financent essentiellement l'économie, à l'image de Wells Fargo.

La banque californienne fournit un prêt immobilier sur trois aux États-Unis et est peu présente dans les activités volatiles et risquées.

Elle se finance par les dépôts de ses clients, ce qui lui assure de la stabilité et lui vaut un plébiscite en Bourse où elle est devenue récemment la plus grande capitalisation bancaire de l'histoire.