Les marchés financiers suivent avec la plus grande attention les soubresauts du débat politique sur la dette américaine, mais semblent refuser de croire à un défaut de paiement susceptible de déclencher la panique, s'inquiétant plus des conséquences économiques.

C'est pourtant la crainte d'une réaction brutale des marchés mondiaux à l'ouverture des échanges lundi qui est désormais l'argument brandi pour faire avancer le dossier et garder les responsables politiques au travail tout le week-end.

Pour des analystes interrogés par l'AFP, les marchés déjà nerveux ne semblent cependant pas au bord de la panique, à seulement neuf jours de la date fatidique du 2 août à laquelle le défaut de paiement pourrait selon le Trésor intervenir.

Certes «les marchés auraient liquidé» vendredi s'ils avaient appris dans la journée l'échec des négociations entre la Maison Blanche et ses adversaires républicains sur un plan de réduction des déficits à long terme, reconnaît David Kotok, président de Cumberland Advisors.

Mais maintenant «les marchés ont eu le temps de digérer» et la détermination affichée de part et d'autres à éviter le défaut de paiement a de quoi rassurer.

Un défaut de paiement «n'arrivera pas», a martelé dimanche le secrétaire au Trésor Tim Geithner.

À la banque Natixis cependant, l'économiste Evariste Lefeuvre estime que le «jusqu'au boutisme» des responsables politiques «va quand même pénaliser le dollar dans les jours qui viennent».

«En ce moment, avec les marchés financiers qui ouvrent demain matin, la menace la plus forte ne vient pas de la zone euro mais de quelques dingos de droite au Congrès américain», a estimé dimanche le ministre britannique du Commerce, le libéral-démocrate Vince Cable.

Mais quand bien même les États-Unis feraient brièvement défaut, quand bien même les agences de notation dégraderaient leur note souveraine, comme elles menacent de le faire, vers quelles autres valeurs pourraient se retourner les investisseurs?

La difficulté, c'est qu'il n'y a guère d'investissements alternatifs en quantité suffisante qui soient d'une sûreté supérieure ou égale aux bons du Trésor américain. «Il n'y a pas 8.000 milliards de dollars d'actifs sans risques alternatifs» à la dette américaine, selon M. Lefeuvre.

Du coup, une chute brutale des marchés américains n'est selon lui pas à l'ordre du jour. «Le vrai risque, c'est une aversion pour le risque généralisée», estime-t-il, aversion qui serait assortie d'un relèvement des taux du crédit, très pénalisant pour une reprise économique encore fragile.

Mais en soi, «il n'est pas sûr que les titres américains soient si pénalisés», tant l'économie du pays reste encore l'une des plus solides au monde.

En revanche, l'effet économique, en cas d'absence d'accord, risque d'être «dramatique», surtout si l'administration américaine finit par rémunérer ses créanciers plutôt que de verser les retraites et autres chèques attendus par les contribuables.

«Il pourrait ne pas y avoir de défaut (de paiement), mais alors ce sera au prix d'une contraction immédiate et très violente de la dépense publique», prévient M. Lefeuvre, avec pour conséquence une réduction de l'argent disponible pour les ménages.

Le problème, selon M. Kotok, c'est que «l'économie montre déjà les signes» des conséquences néfastes du débat en cours, surtout «dans les statistiques de l'emploi», mauvaises.

De quoi le laisser penser que «les marchés vont monter en août», une fois qu'une formule aura été trouvée pour parer à la crise.

Matt Smith, analyste spécialiste des matières premières chez Summit Energy, n'est pas si serein: «Tout le monde croit qu'il y aura une solution, mais s'il n'y en a pas, alors il y aura une réaction immédiate», dit-il. «Pour l'instant, c'est un scénario tellement extrême que beaucoup ne le prennent pas en compte».