Économistes et analystes financiers sont pratiquement unanimes pour dire que la croissance économique des États-Unis se retrouverait en péril si les parlementaires ne trouvaient pas d'accord pour relever dans les temps le plafond de la dette publique.

Le Trésor américain a prévenu que pour rester sous la limite légale actuelle de 14 294 milliards de dollars, il devrait faire à partir du 2 août de terribles sacrifices sur les dépenses.

«Ce serait véritablement catastrophique», juge Michael Ettlinger, du cercle de réflexion Center for American Progress. Selon ses projections, un seul mois de blocage provoquerait une récession encore plus rapide que celle de fin 2008 et début 2009.

Il imagine une administration bloquée, des fonctionnaires au chômage technique, des tribunaux fermés, des prestations sociales en souffrance, des fournisseurs de l'État attendant leur dû, etc.

«Le Trésor n'a pas de tour de passe-passe pour financer le fonctionnement de l'administration passé le 2 août», souligne un rapport du Bipartisan Policy Center. D'après cet institut de Washington, 134 milliards de dollars de dépenses publiques seraient gelés en août, mettant à mal le fonctionnement économique normal.

En imaginant que le gouvernement décide de rembourser ses créanciers, de maintenir la Sécurité sociale et les allocations chômage, et d'exécuter normalement le budget de la Défense, il arrêterait à peu près tout le reste, comme l'éducation, l'entretien des routes, les programmes de santé publique ou le financement des PME.

Le président de la banque centrale (Fed), Ben Bernanke, a prévenu mercredi et jeudi les parlementaires qu'ils prenaient le risque d'asphyxier le système financier et l'économie. Il anticipe une crise «majeure», d'ampleur mondiale.

L'idée même d'arrêter aussi brusquement le cours normal des opérations de l'État fédéral paraît difficilement praticable.

D'autant que le Trésor doit refinancer en août plus de 500 milliards de dollars de dette, sans certitude qu'il y ait des prêteurs tentés d'investir aux États-Unis en ces temps troubles.

«Il n'y a aucune garantie que les investisseurs continueraient à réinvestir dans de nouveaux titres de dette du Trésor», écrivait en juin le secrétaire au Trésor Timothy Geithner à un sénateur républicain favorable à l'idée d'établir des «priorités» dans les dépenses de l'État.

«De fait, certains opérateurs de marché ont déjà indiqué qu'ils ne seraient pas incités à le faire», ajoutait-il.

Pour M. Geithner, ce serait le pire casse-tête de sa carrière de haut fonctionnaire.

Le secteur financier le voit maintenir à tout prix les remboursements aux créanciers. «Disons-le clairement ... Les États-Unis ne renieront pas les obligations qu'ils ont contractées envers les détenteurs de leur dette», considère Ian Shepherdson, de High Frequency Economics.

Au pire, ils «se défausseront sur les promesses faites à leurs propres citoyens», pense-t-il. Mais l'économiste entrevoit la fureur des électeurs dans chaque circonscription, qui devrait faire réfléchir plus d'un parlementaire.

«Comme ce serait le plus grave échec de la responsabilité politique depuis le roi George III (1738-1820) s'est manqué dans les questions d'imposition, je ne prévois pas que cela arrivera», écrit l'économiste Joel Naroff, en référence au roi d'Angleterre qui soumit l'Amérique à de lourdes taxes, provoquant la révolte des indépendantistes.