Au 11e commandement inventé par Ronald Reagan - «Tu ne parleras point en mal d'un autre républicain» -, les élus et partisans de ce parti semblent en avoir ajouté un 12e: «Tu ne hausseras point les impôts».

L'histoire n'a évidemment pas oublié que même Reagan, icône des conservateurs, a dû se résoudre à augmenter les impôts plus d'une fois au cours de sa présidence. Mais plusieurs républicains qui se réclament de lui considèrent aujourd'hui une telle approche comme un sacrilège.

Cette opposition de principe à toute augmentation de la fiscalité pourrait avoir un impact majeur non seulement sur les négociations budgétaires actuelles, mais également sur la campagne présidentielle de 2012.

Dimanche soir, Barack Obama a accueilli à la Maison-Blanche les chefs de file du Congrès pour poursuivre les pourparlers autour d'un plan qui réduirait la dette des États-Unis de quelque 4000 milliards de dollars en 10 ans.

Ce plan prévoit des coupes de plus de 3000 milliards de dollars, dont une compression des dépenses dans les programmes de santé et de retraite du gouvernement, encore considérés comme les vaches sacrées du Parti démocrate.

En échange, la Maison-Blanche demande aux républicains d'accepter une augmentation des recettes fiscales totalisant plus de 800 milliards de dollars. Le président Obama propose notamment l'élimination d'exemptions et de déductions dont profitent les Américains les plus fortunés et les sociétés pétrolières, entre autres.

Plafond de la dette

Or, samedi soir, John Boehner, président de la Chambre des représentants, a annoncé qu'il renonçait à poursuivre les négociations sur un tel plan.

«En dépit des efforts de bonne foi pour trouver un terrain d'entente, la Maison-Blanche ne cherchera pas à obtenir un accord plus grand sur la réduction de la dette sans des hausses d'impôts», a-t-il déclaré dans un communiqué.

Le républicain d'Ohio mise sur un plan qui retrancherait de la dette environ 2500 milliards en 10 ans et exclurait toute hausse d'impôts. Un tel plan pourrait passer à la Chambre des représentants, où les républicains sont majoritaires, mais pas au Sénat, dirigé par les démocrates.

Les négociations budgétaires actuelles découlent d'une condition posée par les républicains du Congrès à leur vote pour le relèvement du plafond de la dette, qui s'élève à 14 300 milliards de dollars. Sans un accord sur la réduction de la dette, les républicains jurent qu'ils ne procéderont pas à ce vote.

Le Trésor américain et la Maison-Blanche affirment de leur côté que les États-Unis se retrouveront en défaut de paiement si le plafond de la dette n'est pas relevé. Le président Obama a souligné le danger d'une telle situation la semaine dernière en évoquant le spectre d'une nouvelle récession, «ou pire».

Et la nouvelle directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, y est allée de sa propre mise en garde lors d'une entrevue accordée à la chaîne ABC.

«Si l'on déroule le scénario complet d'un défaut de paiement, on obtient des hausses de taux d'intérêt, des contrecoups énormes sur les Bourses et des conséquences véritablement déplorables, pas simplement pour les États-Unis, mais aussi pour l'économie mondiale dans son ensemble», a déclaré l'ex-ministre française de l'Économie et des Finances.

Un compromis?

Deux responsables de l'administration Obama ont assuré dimanche que le président continuerait à insister sur son plan de réduction de la dette malgré la position annoncée par John Boehner. La possibilité d'un compromis semble cependant mince.

Il faut comprendre que la marge de manoeuvre du président de la Chambre des représentants n'a jamais été grande. Plusieurs nouveaux élus républicains, issus du Tea Party, ont remporté la victoire en novembre dernier après avoir promis de ne jamais voter pour une hausse d'impôts. Et le numéro deux des républicains à la Chambre, Eric Cantor, ne cesse de répéter que les hausses d'impôts envisagées par les démocrates n'ont aucune chance d'être approuvées.

Reconnaissant l'aversion de la base républicaine pour les compromis avec la Maison-Blanche, la plupart des candidats républicains à la présidence s'opposent également à toute augmentation de la fiscalité. La représentante du Minnesota Michele Bachmann va même jusqu'à promettre de voter contre le relèvement du plafond de la dette, et ce, même si toutes les demandes des républicains sont satisfaites dans le cadre d'un accord avec la Maison-Blanche.

Faute d'un tel accord, plusieurs démocrates, dont le président Obama, ne manqueront pas d'accuser les républicains de préférer défendre les niches et réductions fiscales des riches plutôt que de lutter contre les déficits.

Il pourrait alors revenir aux électeurs américains de décider en novembre 2012 s'ils acceptent ou non le 12e commandement des républicains.