Les autorités de Washington ont sauvé le système financier américain mais certains dans les cercles mêmes du pouvoir jugent qu'elles ont déjà manqué l'occasion de changer en profondeur ses pratiques.

Un rapport publié mercredi par Neil Barofsky, l'inspecteur général spécial chargé du contrôle de l'utilisation des 700 milliards de dollars débloqués en octobre 2008 pour sauver la finance américaine, confirme que cette intervention a réussi car elle a évité au système de s'effondrer, même s'il reste du chemin à parcourir avant un rétablissement complet.

«Il est évident que les actions spectaculaires mises en oeuvre par le département du Trésor» en vertu du plan de sauvetage «ont joué un rôle de premier plan en empêchant l'effondrement du système», écrit M. Barofsky dans ce rapport de plus de 250 pages présenté au Congrès.

L'inspecteur général spécial ajoute néanmoins que «les risques de saisies immobilières continuent de toucher trop d'Américains», que «le chômage continue de monter» et que «les tensions sur le marché de l'immobilier commercial menacent déjà de faire monter de nouveau les pressions tant sur les banques que sur les petites entreprises».

La Maison Blanche a d'ailleurs annoncé mercredi de nouvelles mesures destinées à faciliter l'accès au crédit des petites entreprises.

La publication du rapport de M. Barofsky est intervenue le jour même où la banque Wells Fargo, qui a été renflouée à hauteur de 25 milliards de dollars par l'Etat il y a un an, annonçait un nouveau bénéfice trimestriel «record».

Sa concurrente Morgan Stanley qui, elle, a déjà remboursé les 10 milliards d'aide que lui avait fourni le Trésor à la même époque, a elle aussi annoncé mercredi être revenue aux bénéfices au troisième trimestre.

Avant elles, Goldman Sachs et JPMorgan ont annoncé mi-octobre une multiplication de leurs profits, et cette santé retrouvée des banques s'accompagne d'un bond des primes versées à leurs employés.

«Il faut que nous restructurions le système bancaire parce qu'ils se font (...) des milliards de dollars en utilisant notre argent, celui des contribuables, pour jouer avec sur les marchés et ensuite empocher les gains sous formes de primes plutôt que de prêter aux entreprises qui ont besoin de liquidités et de capitaux pour se développer», a estimé mercredi l'ancien gouverneur de New York, Eliot Spitzer, sur CNN.

L'Etat doit agir car les banques «s'opposent aux réformes fondamentales qui sont nécessaires», a ajouté M. Spitzer, qui a gagné son surnom de shérif de Wall Street lors de son passage au poste de procureur général de New York au tournant du siècle.

Pour M. Barofsky, qui dépend du Trésor, M. Spitzer a «fait mouche». «Rien ne peut arrêter (les banques) de se comporter exactement comme le décrit M. Spitzer, c'est-à-dire prendre toujours plus de risques, sachant que l'Etat leur fournit un filet de sécurité, et revenir aux profits et aux primes énormes», a-t-il dit sur CNN, jugeant également indispensable de réformer le «système».

C'est aussi l'avis de Paul Volcker, ancien président de la banque centrale américaine (Fed) et président de l'équipe de conseillers économiques chargée de donner un point de vue indépendant au président américain Barack Obama.

M. Volcker milite pour un retour à une séparation nette entre banques commerciales et banques d'investissement, mais il n'a pas eu l'oreille de M. Obama sur ce point et, selon le New York Times de mercredi, on le voit de moins en moins à Washington depuis que ses vues ont été écartées.