Passé des plages de Long Island où il était maître-nageur aux salons feutrés des clubs de golf où tous rêvaient de lui être présentés, Bernard Madoff, 71 ans, condamné lundi à 150 ans d'emprisonnement, la peine maximale, apparaît comme un mystificateur parfait.

Si le gotha de la finance à New York et Palm Beach le connaissait depuis longtemps, le commun des mortels n'a découvert qu'au lendemain de son arrestation, le 11 décembre dernier, le visage de l'escroc du siècle, chevelure grisonnante et bouclée, regard bleu derrière de fines lunettes, lèvres minces crispées dans un léger sourire.

Vêtu d'un costume impeccable plutôt que son uniforme de prisonnier, Bernard Madoff a gardé sa contenance face au juge qui vient de décider qu'il finira sa vie derrière des barreaux.

Face à des victimes dont il a parfois détruit la vie, le financier déchu a demandé pardon. «Je devrai vivre avec cette douleur le reste de ma vie (...) je demande pardon à mes victimes. Je suis désolé», a-t-il dit.

Madoff avait plaidé coupable en mars de fraude, parjure, vol, dans une escroquerie qui porte sur quelque 50 milliards de dollars.

Il a floué durant trois décennies des milliers de clients partout dans le monde, banques, associations, acteurs de Hollywood et grosses fortunes.

Dans une vidéo qui circule sur internet, Bernard Madoff est en 1998 l'invité d'une émission télévisée sur l'investissement en Bourse. Interrogé sur les mécanismes et les risques, il répond, sûr de lui: «l'investisseur ne doit pas s'inquiéter au jour le jour de ce qui se passe, il doit vivre tranquillement. C'est moi qui me charge de la gestion quotidienne».

Bernard Madoff, «Bernie» pour ses amis, a su créer un mélange imparable de succès, de confiance et de mystère.

Ancien président du conseil d'administration du Nasdaq, la Bourse électronique, il a compris très vite ce que la révolution informatique apportait à la Bourse. Les contrats pouvaient se multiplier à l'infini partotu dans le monde, signés en quelques secondes.

Cette intelligence s'est accompagnée de ce que beaucoup appellent sa stratégie. «Il cultivait une aura de succès et de secret autour de sa société BMIS (Bernard Madoff Investment Securities), jouait les divas, évitant les rencontres et refusant des investissements pour des motifs snobs et saugrenus», a souligné récemment le régulateur boursier américain (SEC), qui a lui-même longtemps fermé les yeux sur les agissements de M. Madoff.

Garantissant des retours sur investissement exceptionnels, de plus de 1% par mois, il s'était assuré un réseau de «rabatteurs». Ces personnages gérant des portefeuilles lui ramenaient des clients, moyennant de larges rétributions de la part de BMIS, mais aussi des pénalités en cas de gros retraits.

Ce système de pénalités aurait dû éveiller les soupçons, soulignent aujourd'hui les experts. En effet, comme Bernard Madoff n'a jamais investi un centime des milliards qui lui ont été confiés, il rémunérait ceux qui en faisaient la demande avec l'argent des autres.

Le bureau de Madoff, d'où il aurait opéré pendant 30 ans à l'insu de son épouse et de leurs deux fils Mark et Andrew, envoyait des dizaines de milliers de relevés de compte, à partir desquels les investisseurs faisaient leurs déclarations et payaient des impôts sur des revenus inexistants.