La Nation innue n'est pas prête à enterrer le projet Apuiat, même si le premier ministre François Legault a affirmé, hier après-midi, que le projet éolien de 600 millions de dollars ne se réalisera pas tant qu'Hydro-Québec n'aura pas écoulé ses surplus.

« Le premier ministre n'a jamais mentionné que le projet est mort et enterré », a fait savoir la Nation innue dans une déclaration écrite publiée hier en soirée. « Au contraire, nous sommes heureux que le premier ministre reconnaisse qu'Apuiat est un projet compétitif et structurant pour l'ensemble de la communauté innue et des Québécois. »

Au terme d'une rencontre de deux heures à Québec, le premier ministre Legault a confirmé que tant que la société d'État nagera dans les surplus, le projet Apuiat, sur la Côte-Nord, ne se concrétisera pas. Il a cependant promis qu'Apuiat sera prioritaire dès que le besoin énergétique d'Hydro-Québec se fera sentir, avant même les barrages dont il rêve.

« Il a été mentionné lors de la rencontre que le projet Apuiat serait le premier projet à être réalisé une fois que les surplus d'Hydro-Québec seront épuisés », a confirmé la Nation innue. À ce sujet, les chefs innus contestent toujours les prévisions de la société d'État, qui estime pour l'heure ses surplus à 10 térawattheures.

CONFIANCE BRISÉE

Les chefs innus ont d'ailleurs rappelé à M. Legault que « le lien de confiance est brisé » entre eux et le grand patron d'Hydro-Québec, Éric Martel. « Il a été discuté qu'un expert indépendant analysera la situation véritable des surplus et qu'une entente formelle, qui engagera le gouvernement à réaliser le projet, lui sera proposée », écrit la Nation innue.

François Legault a mis fin, hier, à plusieurs mois de controverse et est resté sourd à plusieurs voix qui l'appelaient à accepter le projet. « Il n'y aura pas de projet tant qu'Hydro-Québec sera en surplus », a tranché M. Legault en conférence de presse, au côté de son ministre de l'Énergie, Jonatan Julien, et de sa ministre des Affaires autochtones, Sylvie D'Amours.

M. Legault a invoqué que le contrat d'Apuiat aurait représenté un « coût potentiel » de 1,6 milliard pour la société d'État, qui estime qu'elle a encore des surplus pour 20 ans. « C'est beaucoup d'argent », a-t-il affirmé, rappelant que les contrats d'achat d'électricité éolienne qui lient Hydro-Québec à des producteurs en Gaspésie lui avaient déjà coûté 2,5 milliards.

Hydro-Québec devait s'engager en vertu d'une entente de principe conclue juste avant les élections à acheter les 200 mégawatts d'électricité d'Apuiat, avec l'appui de l'ancien gouvernement libéral de Philippe Couillard, mais le projet avait été dénoncé par la Coalition avenir Québec (CAQ) notamment pendant la campagne électorale.

Il n'a pas été question d'indemnisation, mais le premier ministre a indiqué qu'il y avait eu des discussions sur la « possibilité qu'il y ait certains projets de développement économique ». Il n'a toutefois pas voulu les préciser.

Les chefs innus sont sortis de la rencontre sans parler aux médias. La Nation innue fondait beaucoup d'espoir sur ce contrat. Elle espérait prendre ainsi en main son développement. Toutes les villes de la Côte-Nord appuyaient également le projet qui, selon les Innus, aurait engendré des retombées d'au moins 1 milliard sur 25 ans.

- Avec La Presse canadienne