Avec trois partenaires d'importance, Enerkem a annoncé hier avoir jeté les bases d'une première usine de production de biocarburant à partir de déchets en Europe, à Rotterdam aux Pays-Bas.

Un partenariat formé d'Air Liquide, d'AzkoNobel, du port de Rotterdam et d'Enerkem investira 9 millions d'euros (14 millions CAN) dans la création d'une coentreprise et dans des études d'ingénierie qui pourraient mener à la construction d'une usine de 200 millions d'euros (312 millions CAN).

« Enerkem agira à titre de fournisseur de la technologie, d'entrepreneur principal et de partenaire financier du projet », a fait savoir le président et chef de la direction de l'entreprise québécoise, Vincent Chornet.

C'est plus qu'une étude de faisabilité qu'on annonce, a précisé hier le porte-parole d'Enerkem, Pierre Boisseau, lors d'un entretien avec La Presse. « Les travaux préliminaires de la coentreprise devraient mener à une prise de décision dès cette année, en 2018 et au début de la construction en 2019 », a-t-il dit.

L'usine envisagée serait deux fois plus grosse que celle d'Edmonton, la seule autre installation industrielle d'Enerkem en activité. Elle traiterait 360 000 tonnes de déchets non recyclables par année pour les transformer en 270 millions de litres de méthanol. En Europe, le méthanol est considéré comme un biocarburant, qui peut faire rouler les voitures, alors qu'en Amérique du Nord, le méthanol doit subir une autre étape et devenir de l'éthanol avant de pouvoir porter le nom de biocarburant.

Selon le porte-parole d'Enerkem, le port de Rotterdam est un site de choix pour la future usine.

« C'est un lieu stratégique où transitent des déchets qui viennent de partout, ce qui nous assure un approvisionnement en matière première. »

- Pierre Boisseau

Cette matière première, plastiques et autres déchets non recyclables, pourra être de source industrielle ou résidentielle.

« L'entente survient à un moment opportun, vu les défis actuels en matière de recyclage de plastique en Europe », a commenté dans un communiqué Marco Waas, un directeur d'AzkoNobel Specialty Chemical.

AzkoNobel, un fabricant de peinture, sera aussi un client pour le méthanol produit par le procédé mis au point par Enerkem.

ÉCHÉANCIER ET DÉLAIS

Si le projet va de l'avant, Enerkem pense que l'usine pourrait être en activité en 2020. « Notre infrastructure de systèmes modulaires préfabriqués nous permet de construire une usine en 18 à 24 mois », dit le porte-parole de l'entreprise, qui affirme être « très enthousiaste et très confiant » quant à cet échéancier.

Les projets d'Enerkem sont longs à aboutir. À Edmonton, l'usine fonctionne toujours très en deçà de sa capacité, quatre ans après son inauguration.

À Varennes, Enerkem et son partenaire Ethanol Greenfield ont annoncé en 2012 un projet d'usine qui n'a toujours pas vu le jour. Ça s'en vient, a assuré hier Pierre Boisseau. Le financement de ce projet estimé à entre 120 et 150 millions « est ficelé », a-t-il dit, et la construction devrait commencer au printemps.

De tels délais ne sont pas anormaux, selon lui. « C'est tellement normal quand on parle d'une technologie innovante. C'est une première au monde. »

INSATISFACTION À EDMONTON 

Dans son plus récent rapport, le vérificateur de la Ville d'Edmonton critique sévèrement la gestion des déchets de la Ville et le fonctionnement de l'usine d'Enerkem, payée par les fonds publics et qui ne tient pas les promesses faites lors de l'annonce du projet, en 2008.

VOICI DES EXTRAITS 

OBJECTIF : travailler à un coût comparable à celui de l'enfouissement

RÉALITÉ : le coût de traitement des déchets est de 127 $ la tonne à l'usine d'Enerkem, comparativement à 111 $ la tonne pour l'enfouissement

OBJECTIF : aider la ville à détourner 90 % de ses déchets des sites d'enfouissement, soit une augmentation de 40 %

RÉALITÉ : même au maximum de sa capacité, l'usine contribuera à détourner seulement 20 % de plus de déchets

OBJECTIF : traiter 100 000 tonnes de déchets par année, soit 8333 tonnes par mois

RÉALITÉ : l'usine est encore loin de cette quantité

OBJECTIF : travailler au maximum de sa capacité en 2012

RÉALITÉ : l'usine inaugurée en 2014 devrait être à 75 % de sa capacité en mars 2019