La sortie de crise est longue pour l'industrie des pâtes et papiers, mais son avenir commence à se préciser et il est dans la diversification des produits qui sortent de ses usines.

«On est en train de passer à travers un genre de révolution», résume Daniel Archambault, vice-président et chef des opérations de Kruger, à la veille de la grand-messe annuelle de l'industrie qui a lieu cette semaine à Montréal.

Kruger est le seul fabricant de papier journal du Canada et un des rares en Amérique du Nord qui ne s'est pas placé sous la protection de la loi sur la faillite. La crise n'a pas été facile pour autant, souligne Daniel Archambault.

Comme ses pairs, Kruger a réduit sa production, fermé des usines et fait des centaines de mises à pied. L'entreprise fabrique maintenant moins de papier journal, mais plusieurs autres produits nouveaux: du papier tissu, de l'énergie et de la fibre cellulosique.

Kruger vient de commencer à produire de la fibre cellulosique à son usine de Trois-Rivières, la ville qui a déjà porté fièrement le titre de capitale mondiale du papier journal. C'est un des nouveaux produits sur lesquels l'industrie compte pour se réinventer. Il peut lui ouvrir de nouveaux marchés, comme les secteurs de l'automobile et l'aéronautique.

«Un jour, peut-être qu'on ne fabriquera plus de papier à Trois-Rivières», dit-il.

Mais ce jour est encore loin, selon lui. «L'industrie va continuer de faire du papier, mais à plus petite échelle. Elle va se servir de son expertise dans la fibre pour fabriquer des produits dérivés.» Ces nouveaux produits pourraient générer des revenus de 20 milliards en 2020, selon les estimations de l'industrie.

Des atouts durables

La donne a changé pour l'industrie des pâtes et papiers, mais les atouts des entreprises canadiennes et québécoises sont restés. Le vice-président de Kruger n'est pas de ceux qui se scandalisent du coût de la fibre et de la hausse du prix de l'énergie.

«C'est vrai que les changements au régime forestier ont fait augmenter le coût de la fibre, dit-il, mais elle est toujours disponible.»

La hausse des tarifs d'électricité est aussi une réalité décriée par l'industrie, mais le gouvernement se dit prêt à les réduire en échange d'investissements. «Quand on regarde ça à l'échelle mondiale et même nord-américaine, on reste avec un prix de l'énergie assez compétitif», estime Daniel Archambault.

La baisse récente de la valeur du dollar canadien, si elle se maintient, donnera aussi un coup de pouce à l'industrie. «Les producteurs canadiens vont être favorisés. Ce sera au tour des producteurs américains et européens de s'ajuster. Ça va nous donner plus de flexibilité financière pour investir.»

Le ciel s'est dégagé, au point que le principal défi de cette industrie centenaire est de renouveler sa main-d'oeuvre. Le recruteur Jobboom rapportait la semaine dernière que 62 postes en génie du bois avaient été offerts aux deux seuls diplômés de l'Université Laval dans cette spécialité. Selon l'Association des produits forestiers du Canada, 60 000 emplois devront être pourvus d'ici 2020.

La principale difficulté sera de convaincre les jeunes qu'il y a des emplois intéressants dans l'industrie des pâtes et papiers, et qu'ils ne sont pas nécessairement dans le bois. «On a besoin d'un "rebranding"», convient Daniel Archambault.

----------------

LES PRODUITS EN HAUSSE

Papier tissu

Kruger, mais aussi Cascades et plus récemment, Domtar, ont misé sur cette filière en croissance grâce notamment au vieillissement de la population.

Emballages

La popularité des achats par l'internet a donné une nouvelle impulsion au secteur de l'emballage.

Nanocellulose et fibre cellulosique

Ces produits dérivés de la fibre de bois ont des applications multiples dans une foule de produits.

Granules de bois et biocarburants

Les substituts du pétrole sont de plus en plus demandés, notamment en Ontario et dans plusieurs pays européens, qui misent sur eux pour remplacer le charbon.

-----------------

LES PRODUITS EN DÉCLIN

Papier journal

En Amérique du Nord, la demande de papier journal est passée d'un sommet de 12 millions de tonnes par année à 4 millions de tonnes par année.

Papier magazine

Le papier glacé perd aussi du terrain, avec un marché en baisse de 12 millions de tonnes par année à 7 millions de tonnes par année.

Papier pour imprimante

Selon Domtar, le principal producteur de papier fin en Amérique du Nord, la demande pour ce type de produit est en baisse de 3 à 4% par année.