Jamais depuis la révolution islamique de 1979 en Iran les approvisionnements mondiaux en pétrole n'ont été autant menacés. C'est du moins la conclusion d'une étude que vient de publier le service de recherche de la Deutsche Bank sur l'impact des risques géopolitiques au Moyen-Orient sur l'offre de pétrole.

L'Iran est de nouveau l'épicentre du problème par sa menace de bloquer le détroit d'Ormuz, par où transite plus de 15 millions de barils de pétrole brut par jour en provenance des pays du golfe Persique.

La partie est engagée entre l'Iran et les pays de l'Union européenne (UE). Pour inciter l'Iran à cesser son développement nucléaire, l'UE a décidé en janvier d'un embargo progressif sur les achats de pétrole iranien. L'Iran a répliqué en menaçant de cesser immédiatement ses exportations vers certains pays d'Europe.

Le rapport de la Deutsche Bank fait aussi mention d'autres pays où l'instabilité politique menace l'offre de pétrole, soit l'Irak, la Libye, le Soudan, le Nigeria, la Syrie et le Yémen.

Le secteur énergétique canadien a été malmené en 2011 au gré de la volatilité du prix du pétrole. Le fonds négocié en Bourse XEG qui reproduit le rendement de l'indice plafonné de l'énergie du S&P/TSX avait touché près de 23$ en mars. Mais à la fin du mois de septembre, il ne valait plus que 14$, soit une chute de près de 40%. La baisse du prix du pétrole a été le principal facteur de cette dégringolade. D'un sommet de 114$US à la fin d'avril, le prix du WTI est tombé à 77$US le 6 octobre.

Depuis ce creux, le prix du pétrole brut a rebondi jusqu'à 102$US. Et le secteur énergétique canadien a suivi, le XEG se négocie maintenant à 17,70$. Toute l'année, et encore maintenant, la corrélation entre le prix du pétrole et les principaux titres canadiens du secteur a été très élevé. «Et cette corrélation va demeurer», assure Alex Russ, gestionnaire de portefeuilles chez BluMont Capital.

Les gestionnaires préfèrent prendre une assurance

La demande de pétrole ne cause pas de pression sur le prix, car elle est actuellement légèrement à la baisse, explique Geir-Rune Johnskareng, gestionnaire de portefeuilles chez Investissements Standard Life. C'est du côté de l'offre qu'un déséquilibre pourrait provenir. «Le marché pourrait difficilement supporter une diminution significative des approvisionnements», dit-il.

Le prix du pétrole incorpore déjà une prime de 10 à 20$US à cause du risque politique au Moyen-Orient, selon le gestionnaire. Mais le prix pourrait à nouveau grimper à son sommet de 150$US dans le contexte d'une crise majeure qui affecterait les approvisionnements en provenance du golfe. «C'est la seule raison qui pourrait permettre une telle envolée du prix», dit M. Johnskareng.

Dans l'ensemble, les gestionnaires semblent plutôt neutres quant aux perspectives du secteur énergétique canadien. Toutefois, plusieurs d'entre eux maintiennent une légère surpondération dans le secteur.

Bien qu'impossible à prévoir, une flambée du prix du pétrole demeure une possibilité que les gestionnaires ne peuvent pas se permettre d'ignorer, explique M. Johnskareng. La prudence incite donc les gestionnaires à surpondérer le secteur pour ne pas être pris à contrepied par une hausse rapide du prix du pétrole qui se refléterait sur le cours des actions des principaux producteurs canadiens, tels Suncor et Canadian Natural Ressources.

Même les professionnels qui gèrent des fonds diversifiés doivent se doter de cette assurance, ajoute Alex Ruus. «Le prix du pétrole devrait fluctuer entre 80$US et 115$US au cours de la prochaine année, mais c'est sans compter le risque politique», dit-il.

L'Iran n'est d'ailleurs pas la seule source d'inquiétude en ce qui a trait aux approvisionnements de pétrole, selon lui. L'Arabie saoudite représente 12% des exportations de pétrole. «Toute instabilité pouvant menacer le contrôle qu'exerce la famille royale sur les destinées économiques du royaume aurait un impact encore plus grand sur le prix du pétrole qui pourrait même toucher alors jusqu'à 200$US», croit-il.