Quatre ans après avoir acheté Alcan, Rio Tinto a encore des raisons de regretter d'avoir payé très cher pour se faire une place dans le secteur de l'aluminium.

Rio Tinto Alcan a fini la dernière moitié de l'exercice 2011 avec un petit profit d'exploitation de 63 millions US. Pour l'exercice complet, la division aluminium affiche un profit de 442 millions US, en baisse de 28% par rapport à l'exercice précédent.

Cette performance se compare à des profits de 12,8 milliards US de la division du fer, en hausse de 26%.

Une radiation de 8,9 milliards US inscrite à la fin de 2011 sur la valeur d'Alcan a fait plonger Rio Tinto dans le rouge pour la dernière moitié de l'exercice et forcé le président et chef de la direction, Tom Albanese, et le responsable des finances, Guy Elliott, à renoncer à leurs primes annuelles.

C'est la deuxième fois que Rio Tinto doit radier la valeur d'Alcan, si bien que l'entreprise achetée pour 38 milliards ne vaut plus aujourd'hui que la moitié de cette somme dans ses livres.

Une telle dévaluation pourrait ressusciter l'intérêt de la concurrence pour ce qui reste d'Alcan au sein de Rio Tinto, estime Yvan Allaire, président du conseil de l'Institut pour la gouvernance des organisations publiques et privées et professeur de stratégie.

Alcoa, notamment, dont la première offre d'achat pour Alcan avait conduit à la surenchère de Rio Tinto, pourrait tenter une autre approche auprès de Rio Tinto.

Encore faut-il que le géant minier regrette assez cette acquisition pour vouloir la revendre si rapidement. «Ils regrettent surtout le prix qu'ils ont payé», estime Yvan Allaire.

Toujours dans les plans

Selon lui, Rio Tinto s'est remis à investir dans sa division aluminium, notamment dans l'expansion de l'usine de Kitimat en Colombie-Britannique, ce qui indique qu'elle s'y intéresse toujours.

Aussi, l'aluminium étant un produit moins cyclique que les métaux de base, l'acquisition d'Alcan apporte une certaine diversification à Rio Tinto, estime-t-il.

En même temps, Rio Tinto a pris les grands moyens pour augmenter la rentabilité de Rio Tinto Alcan. Elle a commencé par se départir de toutes les activités d'emballage et de fabrication pour se concentrer uniquement sur la production de bauxite, d'alumine et de métal primaire.

Rio Tinto a aussi annoncé son intention de vendre ou fermer toutes les usines du secteur de l'aluminium dont la rentabilité lui paraît insuffisante. Au total, 13 mines, raffineries et alumineries ont été sorties du bilan de Rio Tinto en attendant de connaître leur sort.

Le géant minier s'est également donné comme objectif de doubler la marge bénéficiaire brute de sa division aluminium, pour la porter à 40%. Yvan Allaire estime que c'est ambitieux, mais possible. La performance d'Alcan, avant d'être avalée par Rio Tinto, était de cet ordre-là, selon lui.

Une perte pour le Québec

Rio Tinto a de bonnes raisons de regretter l'acquisition d'Alcan, le Québec aussi. Ce qui reste d'Alcan n'a plus rien à voir avec ce que l'entreprise était avant son acquisition. Le professeur Allaire estime que le Québec a perdu au change, notamment un siège social important et les activités qui gravitent autour.

La division aluminium de Rio Tinto est aussi en concurrence avec les autres activités beaucoup plus rentables de Rio Tinto, dans le fer et le cuivre surtout, pour obtenir du capital de développement. «Tous les projets qui auront pour effet de réduire les coûts obtiendront l'intérêt du siège social», prévoit-il.

Pour le reste, c'est moins sûr.