Quand la petite minière Ressources Campbell a fait faillite, en 2010, elle a laissé un cadeau littéralement empoisonné à Chibougamau: la vieille exploitation minière de l'île Merrill, sur le lac Doré, à quelques kilomètres de la Ville. Un endroit que la mairesse de Chibougamau n'hésite pas à inclure dans la catégorie des «désastres».

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Cyanure, résidus générateurs d'acide, sols instables. Rien ne va plus dans ce site que le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) a dû prendre en main en mai 2010. Le Ministère a complété à la fin du mois d'octobre un appel d'offres pour trouver une firme qui établira un plan de restauration.

Le budget n'est pas établi, mais il est possible qu'il atteigne plusieurs dizaines de millions de dollars, aux frais de l'État. Les mines de l'île Merrill sont entrées en production avant l'imposition de garanties financières pour la restauration des sites, en 1995 (voir texte en page 3).

Aujourd'hui, la commande est de taille. Les trois parcs à résidus - générateurs d'acide - et le bassin de polissage couvrent une superficie de 245 hectares. Les terrains du site industriel, démantelé l'été dernier, sont probablement contaminés. Comme le pilier entre le creux des fosses et les tunnels miniers est trop mince, le sol est très instable.

L'extraction minière à l'île Merrill a débuté en 1953. Les deux mines de l'endroit ont été exploitées en mode souterrain puis à ciel ouvert jusqu'au tournant des années 80, puis quelques mois en 2007-2008. L'usine a poursuivi ses activités jusqu'au milieu des années 2000, traitant le minerai d'autres mines environnantes.

Au moins 17 millions de tonnes de minerai sont passées par l'usine de l'île Merrill pour en extraire l'or. L'ensemble des résidus est accumulé dans les parcs. Ce sont aujourd'hui de grandes étendues boueuses, partiellement revégétalisées, rouillées en surface par le sulfure ferreux et le cuivre.

En attendant de trouver une solution de restauration, le MRNF doit gérer les eaux contaminées, a expliqué à La Presse Affaires Alexandre Couturier-Dubé, ingénieur minier junior, chargé de projet au ministère. Les eaux qui s'écoulent sont continuellement pompées pour être renvoyées dans le bassin de polissage. Elles ne doivent pas atteindre le lac.

Ce n'est pas une solution permanente. La firme qui gagnera le récent appel d'offres devra déterminer quelles méthodes seront mises de l'avant pour redresser la situation à long terme.

Des cendres sur la roche

L'usine de cogénération Chapais Énergie est derrière l'une des propositions pour restaurer les lieux. L'usine génère de l'énergie en brûlant des résidus de scierie et revend l'électricité ainsi produite à Hydro-Québec.

Le directeur de l'usine, Pascal Tremblay, estime que les cendres qui proviennent de la combustion des résidus de scierie pourraient être utiles à Merrill pour restaurer au moins une partie des parcs à résidus.

Depuis 2002, Chapais Énergie utilise un mélange de cendres de son usine et de boues de pâtes et papiers pour revaloriser le parc à résidus de l'ancienne mine Opémiska, à Chapais. Mis au point par le consultant en agroenvironnement Lucien Bordeleau, ce mélange favorise le développement végétal et structure le sol. Des plantes y poussent, la faune revient. Jusqu'à maintenant, la moitié du parc de l'ancienne mine de cuivre a été restaurée par cette méthode.

Toutefois, les résidus d'Opémiska ne présentaient pas de potentiel de génération acide. Reste à prouver que la méthode de Lucien Bordeleau peut fonctionner à l'île Merrill, où les graines déjà semées ont été brûlées par l'acidité du sol. Il faut prouver que la méthode aura un effet suffisamment neutralisant, et aussi qu'elle pourra augmenter la portance du sol, qui contient plus d'eau qu'à Opémiska.

«J'ai fait une demande de subvention pour démontrer la faisabilité de notre technique, affirme Lucien Bordeleau. Le Ministère ne nous a toujours pas donné l'accord pour les tests.»

«On pense qu'on a une solution gagnante pour le projet», soutient néanmoins Pascal Tremblay, confiant.

Chapais Énergie offrirait gratuitement la cendre pour le projet qui lui permettrait en contrepartie de réduire ses coûts de disposition des cendres.

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CLAVARDAGE

Pour en savoir plus sur l'environnement, les mines et la restauration des sites, La Presse Affaires tient un clavardage ce midi en compagnie de Jean-Claude Belles-Isles, directeur - Environnement à l'Association minière du Québec, et Ugo Lapointe, porte-parolede la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine.

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