Affectée par une faible croissance économique et les changements des comportements, la consommation de pétrole peine à redémarrer dans les pays industrialisés et pourrait s'installer sous ses niveaux d'avant la crise, préviennent les experts.

«Je doute fort qu'on soit dans une période de décollage» de la consommation, a jugé Edward Morse, directeur de la division recherche sur les matières premières de la banque Credit Suisse, à Houston lors de la conférence CeraWeek consacrée à l'énergie.

Dans son rapport mensuel publié mardi, l'agence américaine de l'Energie (EIA) a estimé que la demande mondiale d'or noir progresserait de 1,5 million de barils par jour (mbj) en moyenne cette année, après deux années de suite de repli, ce qui avait été du jamais vu depuis un quart de siècle.

L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a pour sa part relevé légèrement sa prévision de croissance de la demande de brut pour 2010 de 0,9 mbj (à 1,1%), selon le rapport mensuel du cartel publié mercredi.

Pour l'agence gouvernementale américaine, «la plus grande partie» de la croissance de la consommation interviendrait dans les régions Asie-Pacifique, et au Proche-Orient, et donc «largement en dehors des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

«On ne peut pas s'attendre à une croissance de la demande dans l'OCDE, a tranché à Houston Marianne Kah, chef économiste chez le pétrolier américain ConocoPhillips. On est certes dans une phase de reprise économique mondiale, mais c'est sans prendre en compte les problèmes de dette publique et le fait que les gouvernements vont devoir cesser leurs mesures de relance.»

La zone OCDE «a perdu 4 mbj de demande depuis 2007», calcule-t-elle. «Il faudra beaucoup de croissance pour compenser. Et le problème, c'est que la croissance économique se n'annonce pas forte».

Aux États-Unis, premier pays consommateur d'or noir, si l'EIA table sur une croissance de la demande d'environ 200 000 barils par jour (b/j) cette année comme l'année prochaine, la consommation attendue en 2011 «est plus faible que la consommation totale en 1999, et inférieure de 1,7 mbj à son plus haut niveau de consommation annuel, atteint en 2005», a noté l'agence gouvernmentale.

«Les États-Unis ont rejoint le reste de l'OCDE en tant que pays qui n'enregistre pas de croissance de la demande de pétrole», a avancé M. Mose.

Outre la crise, qui a durablement entamé l'activité, l'industrie énergétique doit faire face aux changements de comportements des consommateurs, encouragés, voire imposés par les gouvernements, via des réglementations environnementales de plus en plus strictes.

Et «si les prix du pétrole sont trop élevés, cela accélère les changements réglementaires», a relevé Edgard Habib, chef économiste chez le pétrolier américain Chevron.

Le développement des véhicules électriques ou hybrides pourrait s'accélérer, même si le changement total du parc automobile d'un pays prend de nombreuses années. Et le gaz naturel, abondant et peu cher aux États-Unis, pourrait encore gagner du terrain face au pétrole.

Selon Olivier Abadie, du cabinet spécialisé IHS Cera, la demande mondiale d'or noir a diminué de 4 mbj en 10 ans au profit du gaz, contre une baisse de seulement un mbj au profit des biocarburants.

«L'offre est plus simple à appréhender: on a de la visibilité sur les nouveaux projets», a estimé James Burkhard, du cabinet IHS Cera. «La demande est plus compliquée, et peut changer très rapidement».