Ce n'est pas pour faire mourir l'usine SFK Pâte de Saint-Félicien (t.sfk.un) qu'AbitibiBowater (t.abh) a résilié son contrat d'approvisionnement en copeaux, mais pour économiser 12 millions de dollars par année et tenter de sauver sa peau.

«Douze millions, ce n'est pas rien, a plaidé hier l'avocat d'Abitibi, Me Guy Martel. C'est 12% du financement intérimaire (de 100 millions) que l'entreprise vient d'obtenir pour passer au travers sa restructuration.»

L'avocat a rappelé qu'il n'y avait aucune certitude que cette restructuration réussisse et il rappelé qu'AbitibiBowater a plus de 10 000 employés et en fait vivre des centaines d'autres dans plusieurs régions.

Me Martel répondait ainsi aux arguments du Fonds de revenus SFK Pâte, qui affirme qu'il ne survivra pas à l'annulation de son contrat d'approvisionnement et qu'il devra fermer boutique et licencier ses 306 employés.

Contrat résilié

Le contrat de 20 ans qui liait les deux entreprises a été résilié après qu'AbitibiBowater ait obtenu la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers pour éviter la faillite.

Hier, les avocats de SFK ont mis en doute le montant des pertes découlant de ce contrat pour Abitibi. Les copeaux sont un sous-produit de la production du bois d'oeuvre, donc ils ne coûtent rien à produire, ont-ils soutenu.

Si le prix de vente de ces copeaux est inférieur à ce qu'Abitibi pourrait obtenir sur le marché, cette perte est minime compte tenu de la taille d'AbitibiBowater, soutient SFK. «C'est 0,15% des revenus d'Abitibi, une goutte d'eau dans l'océan», ont fait valoir ses procureurs à la juge Danièle Mayrand.

Selon SFK Pâte, la résiliation du contrat d'approvisionnement n'aura aucune influence sur la restructuration d'AbitibiBowater. Le problème d'Abitibi, c'est son endettement trop élevé, pas ses relations avec ses fournisseurs, ses clients et ses sous-traitants.

Les avocats de SFK Pâte n'ont pas manqué de mettre en relation le manque à gagner allégué d'AbitibiBowater, 12 millions, qui met en danger 300 emplois, avec l'indemnité de départ de 17 millions que l'entreprise a accepté de verser à son ancien président, John Weaver.

La décision de la juge Mayrand devrait être rendue au début de la semaine prochaine. En attendant, les déboires d'AbitibiBowater ont déjà commencé à affecter SFK. La firme de crédit Standard&Poors a réduit de trois crans la cote de l'entreprise et son action ne vaut plus que 33 cents à la Bourse de Toronto.

Le Fonds de revenus SFK Pâte a vu le jour en émettant des actions à 10$ l'unité en 2002. Avant, les deux entreprises étaient une seule et même entité. C'est pour se sortir d'une impasse financière qu'AbitibiBowater s'était départie de son usine de Saint-Félicien. Le Fonds a racheté l'usine à Abitibi pour une contrepartie de 628 millions à cause de l'existence du contrat d'approvisionnement de 20 ans, a rappelé le vice-président à la direction de SKF, Paul Bourque. «Une usine sans approvisionnement n'a aucune valeur», a-t-il souligné.

Le président du syndicat des employés de SFK, Mario Bernier, a assisté à l'audition de la cause. Si SFK devait perdre son contrat, la région au complet se mobilisera, a-t-il indiqué hier. «À Montréal, on ne réalise pas l'importance de cette usine.»