Le groupe minier anglo-australien Rio Tinto (RTP) est en plein imbroglio après le renforcement de ses liens avec le chinois Chinalco, qui mécontente des actionnaires et fait ressurgir la possibilité d'une offre de BHP Billiton.

Rio Tinto a acheté le groupe d'aluminium canadien Alcan au plus haut du marché, à la fin de 2007, ce qui l'a laissé avec une dette de 38,7 milliards de dollars US. Un fardeau qui a contribué au renoncement de son compatriote BHP à son offre hostile sur Rio Tinto, en novembre.Pour améliorer sa situation financière, Rio Tinto pouvait proposer une augmentation de capital à ses actionnaires. Il a préféré un accord avec le plus intéressé d'entre eux, le géant public chinois de l'aluminium Chinalco.

Rio Tinto va céder à Chinalco des parts dans ses plus beaux actifs, pour 12,3 milliards US, et lui vendre 7,2 milliards d'obligations convertibles, qui pourraient permettre au Chinois de porter de 9 à 18% sa part.

Outre qu'elle a fait tiquer le gouvernement australien, soucieux de protéger ses actifs stratégiques, l'opération a provoqué dans la coulisse une levée de boucliers de gros actionnaires.

D'une part, ils voient d'un mauvais oeil la montée en puissance de Chinalco, car l'intérêt de la Chine est de maintenir des prix des matières premières raisonnables alors que le leur est de les voir grimper. D'autre part, ils estiment avoir vu leurs droits bafoués en ne se voyant pas proposer d'augmentation de capital.

L'association des assureurs britanniques, qui représente plusieurs actionnaires, a dénoncé la semaine dernière un accord qui «favorise un actionnaire existant», soulignant que ses membres étaient «profondément inquiets» de la situation.

La direction de Rio Tinto compte à présent s'embarquer dans un marathon de rencontres avec ses actionnaires, «dont elle écoute le point de vue», selon un porte-parole. L'idée de leur céder une partie des obligations convertibles est dans l'air, selon le Daily Telegraph.

Cette direction elle-même est chamboulée par cette affaire.

Le 14 janvier en effet, Rio Tinto a annoncé l'arrivée à sa présidence du vice-président de l'indien Tata Steel, Jim Leng. Trois semaines plus tard, ce dernier renonçait à ses nouvelles fonctions. Il s'est avéré qu'il n'était pas favorable à la montée en puissance de Chinalco, préférant une augmentation de capital.

Du coup M. Skinner, ancien de Shell qui a manqué la présidence du géant pétrolier en 2003, a-t-il dû accepter de rester chez Rio Tinto, alors qu'il était pressenti pour succéder en avril au président de British Petroleum, Peter Sutherland.

BP a simplement indiqué lundi que la quête d'un successeur à M. Sutherland «se poursuivait», sans M. Skinner comprend-on. Un crève-coeur sans doute pour celui-ci, mais qui, selon la presse britannique, satisfait certains actionnaires de BP inquiets de la stratégie de Rio Tinto ces derniers mois.

L'affaire pourrait du coup replacer BHP Billiton dans la course. Une personne proche du géant minier a indiqué au Times que BHP était «en mode écoute», ajoutant cependant qu'il y avait «beaucoup d'autres bonnes affaires à faire dans le monde».

Les actionnaires de Rio Tinto doivent voter en mai sur l'accord avec Chinalco.

Au vu de précédents historiques, il est cependant peu probable que la direction échoue. Une rébellion similaire des actionnaires de la banque Barclays, en novembre, contre l'attribution d'une augmentation de capital exclusivement à des investisseurs du Golfe, s'était finalement terminée par un vote favorable, après qu'une partie des actions préférentielles proposées aient été attribuées aux mécontents.