Il aura fallu presque huit ans pour que les retraités de Mine Jeffrey à Asbestos puissent finalement plaider leur recours collectif de 21 millions de dollars contre le comité de retraite, l'actuaire et le gestionnaire de leur régime.

La procédure pourra commencer en septembre... 2010 devant le juge Michel Delorme, de la Cour supérieure, qui préside aux procédures depuis le début de cette cause. Il devrait durer environ 90 jours, dont 80 pour les interrogatoires et les contre-interrogatoires de quelque 25 témoins. La cause devrait s'étirer jusqu'en mai 2011.«On aurait souhaité que ça démarre plus tôt, mais, au moins, on a les dates», commente en entrevue Me Marcel Rivest, du cabinet Rivest Schmidt, qui défend les retraités dans cette affaire.

«Les gars ont amassé 160 000$ pour défendre leur cause», renchérit Gaston Fréchette, un des retraités qui militent depuis le début pour récupérer la plus grande partie des 65 millions que les régimes de retraite des cadres et des travailleurs ont perdu dans la faillite du producteur d'amiante d'Asbestos.

La cause fera école et jurisprudence. C'est la première fois que le tribunal aura à déterminer ce qu'est une politique de placement prudente, soutient Me Rivest. Les membres du comité de retraite (y compris ceux qui venaient des rangs des cadres et des travailleurs), l'actuaire Conseillers Buck et le gestionnaire Gestion d'actifs CIBC (autrefois TAL) sont conjointement et solidairement intimés dans cette affaire.

On leur reproche d'avoir recommandé et approuvé une politique de placement audacieuse plutôt que prudente. Elle misait beaucoup trop sur les actions, compte tenu de l'âge moyen des participants actifs et retraités et de la situation précaire de l'entreprise. En cas de succès, des rendements alléchants auraient permis de renflouer le régime et de réduire les cotisations de l'entreprise. En cas d'échec, l'entreprise n'avait pas les reins assez solides pour renflouer le régime.

Des témoins experts déjà entendus lors de la requête en vue d'exercer le recours ont fait valoir que le régime aurait dû limiter à 30% sa pondération en actions, plutôt que de la gonfler à maintes reprises jusqu'à représenter 73% de la valeur du portefeuille.

En 2001 et 2002, les marchés boursiers ont été fortement baissiers et, au début de 2003, la mine Jeffrey avait demandé la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Les participants se sont retrouvés avec tout juste un peu plus de 60% de ce à quoi ils auraient eu droit sans la faillite du promoteur du régime.

 

Affaire compliquée

L'affaire est plus compliquée qu'il n'y paraît. À l'époque, l'actuaire et le gestionnaire du régime de retraite étaient payés par l'employeur et celui-ci nommait la majorité des membres du comité de retraite.

Or, la Loi sur les régimes complémentaires de retraite précisait que les membres du comité de retraite sont tenus d'agir dans l'intérêt des participants même si c'est le promoteur qui les paye. «Sur le plan juridique, celui qui siège au comité de retraite devient fiduciaire de la caisse de retraite», précise Me Rivest.

Quant aux professionnels, ils sont tenus d'éclairer le comité avec leur expertise.

Le recours a été autorisé il y a quelques années déjà, mais les intimés ont choisi d'épuiser tous leurs moyens d'en appeler.

Une autre cause semblable et aussi défendue par Me Rivest met aux prises les membres du comité de retraite du régime des professeurs de l'Université de Montréal. Le recours collectif de 100 millions a été autorisé à l'automne 2007.

En 2007, le gouvernement du Québec a resserré dans la loi le rôle de fiduciaire du comité de retraite et la responsabilité des experts mandatés pour le conseiller.