Encore en retard? «J'ai des problèmes personnels à la maison. J'ai décidé de ne pas les amener au bureau, alors je les ai laissés à la garderie!» Cette blague toute simple dédramatise la situation de façon sympathique, signale Benoit Pelletier, formateur en entreprise de l'École nationale de l'humour. Les gestionnaires, croit-il, n'ont pas à être ennuyeux!

Pourtant, certains hésitent à faire de l'humour de crainte de ne pas être pris au sérieux. Mais cela peut être un outil pratique si on s'en sert bien. «Si ma langue fourche dans mon discours et que je fais semblant de rien, je cultive le malaise, explique M. Pelletier. Mais si je fais une boutade, je montre que je suis à l'aise. Ça démontre une confiance en soi et une personnalité forte.»

Rigoler de temps à autre contribue aussi à créer une atmosphère plus agréable. «C'est une forme de lubrifiant social, note Benoit Savard, président de SMA transformation. Il y a beaucoup de tensions dans les organisations. Changer l'ambiance est un bénéfice important de l'humour.» Esther Lapointe, directrice générale du Groupe Femmes, Politique et Démocratie, l'a expérimenté. «Dans les moments difficiles, ça aide à dédramatiser et à garder un bon climat», constate-t-elle.

L'humour peut servir à mobiliser son équipe et à favoriser l'apprentissage. «Si, comme gestionnaire, je vous place dans une situation de vulnérabilité, mais que j'utilise l'humour pour dire que c'est possible que vous fassiez des erreurs, ça vous aide à être plus détendu pour apprendre», explique M. Savard.

M. Pelletier, quant à lui, croit même que l'humour et la créativité sont des ingrédients importants de la recette de succès des organisations. «Nous ne sommes pas des robots, plaide-t-il. La richesse de nos personnalités enrichit l'organisation.»

Double tranchant

Mais attention, toute plaisanterie n'est pas bonne à dire. S'acharner sur une tête de Turc, dénigrer une personne ou faire des blagues vulgaires, sexistes ou racistes sont des attitudes à proscrire. «La ligne entre l'humour approprié et inapproprié peut être très fine, note M. Savard. Ça dépend du contexte et du public.» Un gestionnaire avisé s'adresse différemment à ses proches collaborateurs et à un groupe de 200 employés!

Par ailleurs, pratiquement tous les sujets peuvent être abordés de manière humoristique. «Mais pas avec tout le monde et pas n'importe comment», prévient M. Pelletier. Il faut un certain talent pour traiter des thèmes plus délicats. Il vaut parfois mieux avoir la sagesse de s'abstenir.

Apprendre à faire rire

Le métier d'humoriste n'est pas à la portée de tous. Toutefois, rares sont les personnes totalement dépourvues de sens de l'humour. Pour mieux l'utiliser, il suffit parfois d'en prendre conscience, croit M. Pelletier. Dans ses ateliers, il donne quelques trucs et organise des jeux de rôle où chacun peut expérimenter l'humour dans différentes situations de travail.

Il suggère également aux gestionnaires de se concocter des «blagues de survie» pour les situations prévisibles. «Tous les humoristes ont des répliques pour se sortir du pétrin, comme lorsqu'une blague tombe à plat, souligne M. Pelletier. Alors si on a quelqu'un de très chialeux dans l'entreprise, par exemple, on peut préparer quelque chose à ce sujet.»

Finalement, l'humour ne se limite pas à raconter des blagues. Placer une caricature dans une présentation et utiliser une nouvelle insolite pour détendre l'atmosphère peuvent aussi être de bonnes stratégies, note M. Savard. Elles conviennent souvent mieux aux piètres conteurs. Esther Lapointe, elle, aime bien utiliser l'habileté d'un boute-en-train de son équipe. «Elle m'inspire à faire des mots d'esprit à mon tour pour passer des messages», confie-t-elle.