Bye-bye, patron! C'est une phrase qu'un Canadien sur trois songe sérieusement à prononcer, selon un sondage mené par Mercer auprès de 2000 travailleurs au cours des deux derniers trimestres. Et leurs collègues ne sont guère plus enthousiastes, puisqu'une autre tranche de 22% des employés envisage avec indifférence l'idée de rester en poste ou de partir, tout en se disant insatisfaite de son employeur actuel.

Désengagement, c'est le nom que l'on donne à cette morosité ambiante qui se caractérise par un manque de loyauté, d'ardeur au travail et de motivation des employés. En additionnant ceux qui souhaitent partir (36%) aux indifférents (22%), la moitié des employés canadiens seraient donc «désengagés». Il s'agit d'une augmentation de 26% par rapport à un sondage similaire mené en 2006.

«Je pense qu'il y a beaucoup de ressentiment lié à l'environnement économique des dernières années, constate France Despaties, conseillère principale, capital humain chez Mercer. Les gens ont pu observer des changements dans leur charge de travail, vu diminuer leur sécurité d'emploi, et souffrent de désillusion par rapport à leur employeur actuel.»

Démoralisés

Les mises à pied des dernières années ont été dures pour le moral des travailleurs. «Aux prises avec une situation économique difficile, bien des entreprises ont dû diminuer leurs effectifs, dit Jean-Charles Lamoureux, consultant en développement organisationnel chez Strategis Conseil. Les gens se disent: puisque l'employeur est prêt à me laisser partir quand il fait face à des difficultés, pourquoi ferais-je des efforts pour demeurer loyal?»

Changements de valeurs?

Mais la baisse de l'engagement n'est pas uniquement un effet de la crise, selon lui. Elle pouvait déjà s'observer auparavant. Cela pourrait avoir un lien avec les valeurs changeantes des générations, selon lui.

«Un autre facteur contribue à accentuer le phénomène, à mon avis: les travailleurs moins âgés ont tendance à favoriser leur carrière plus que leur employeur, dit-il. Lorsqu'une occasion se présente d'avoir une meilleure situation ou un meilleur espoir de conciliation travail-vie personnelle, l'engagement tombe à l'eau, car ils n'ont pas la même mentalité de loyauté envers l'entreprise que leurs aînés.»

D'ailleurs, le sondage indique que si la volonté de quitter son emploi a augmenté dans toutes les catégories d'employés, ce sont les plus jeunes qui pensent le plus à changer d'emploi. Ainsi, 43% des employés de 25 à 34 ans, et 45% des moins de 24% l'envisagent.

Conséquences

La perte d'engagement a un impact sur le taux de roulement et la performance des organisations, certes, mais elle a aussi des effets néfastes chez l'individu et le climat de travail. «Lorsqu'un travailleur est moins engagé, moins satisfait et moins intéressé par son travail, probablement que la relation avec ses collègues et ses patrons en souffre, dit Jean-Charles Lamoureux. Si je suis moins engagé, je travaille moins bien, je suis moins efficace et je sais que mon patron s'en rend compte. Cela crée des relations de travail plus tendues.»

Mais comment remédier au fléau? «Un employeur peut mettre en oeuvre un certain nombre de pratiques de gestion qui ont pour effet de susciter la mobilisation, notamment les pratiques qui touchent à un meilleur échange d'informations, une meilleure communication et la reconnaissance», dit le conseiller.

Et même si elles ont parfois mauvaise réputation auprès des employés, les évaluations de rendement, ou appréciations de performance, quand elles sont bien menées, sont susceptibles de favoriser l'engagement.

«Notre sondage démontre que les employés qui ont reçu une évaluation de rendement au cours de l'année précédant le sondage avaient un degré d'engagement supérieur, dit France Despaties. L'évaluation permet d'établir un dialogue avec l'employé. Elle a un impact important sur sa perception globale de l'employeur et lui permet de se sentir partie prenante de l'organisation. Généralement, elle donne une tournure plus positive à ce qu'il pense. C'est une belle piste de solution à suivre pour les organisations qui veulent améliorer l'engagement de leur personnel.»

- 53% des employés se disent satisfaits de leur salaire de base

- 58% estiment que leur rémunération est équitable compte tenu de leur rendement

- 66% jugent bon ou très bon leur régime d'avantages sociaux dans l'ensemble