Alors que les résultats de l'Enquête sur la population active du mois de mai seront dévoilés vendredi, les analystes s'attendent à ce que 15 000 nouveaux emplois aient vu le jour le mois dernier au Canada, soit beaucoup moins qu'en avril.

«Le taux de chômage pourrait baisser légèrement, de 8,1% à 8%, dit Benoit Durocher, économiste senior chez Desjardins. Il faut se souvenir qu'en avril, il y a eu une croissance phénoménale avec 109 000 nouveaux emplois. À notre avis, ce chiffre était gonflé artificiellement par un effet de saison. Comme nous avons eu un hiver doux et un printemps hâtif, plusieurs emplois saisonniers ont commencé plus tôt cette année. Mais ces emplois ne seront pas présents dans les chiffres du mois de mai. Toutefois, le rétablissement du marché se poursuit.»

Bonne performance du Québec

Le Québec a déjà récupéré 125% des emplois perdus pendant la récession, soit entre février 2008 et juillet 2009. Une performance nettement supérieure à celle de l'ensemble du Canada, qui en a récupéré pour sa part 68%.

«Pendant cette période, le Québec a contribué à près du tiers des gains de nouveaux emplois au Canada», dit Jean-Marc Kilolo-Malambwe, économiste et analyste en statistiques du travail à l'Institut de la statistique du Québec (ISQ).

Depuis juillet de l'an dernier, le Québec a connu une hausse de 91 400 nouveaux emplois. Non seulement les emplois perdus durant la récession ont été récupérés, mais il s'en est créé 18 000 nouveaux de plus que le sommet atteint avant la crise.

Ces gains portent le nombre de travailleurs québécois à 3,9 millions, le niveau le plus élevé dans l'histoire de la province. Une progression qui devrait se poursuivre, selon les prévisions des économistes.

«Nos projections prévoient que l'on va revenir à la tendance structurelle observée depuis une décennie, soit un recul du chômage, notamment à cause des changements démographiques, dit André Grenier, économiste et coordonnateur de l'analyse du marché du travail à Emploi-Québec. Selon les scénarios sur un horizon de 10 ans que nous avions élaborés en 2008, il devrait se situer aussi bas que 5,5% en 2018.»

Le taux de chômage était de 7,9% le mois dernier. Il avait atteint 9,1% en août 2009, le plus haut niveau enregistré pendant la crise. Mais même à ce sommet, il était encore inférieur à la moyenne des années 80 et 90, alors qu'il se situait autour de 11,5%, explique l'économiste.

La bonne performance du Québec sur le plan de l'emploi en comparaison avec le reste du Canada s'explique en partie par la décision gouvernementale de lancer de vastes programmes de renouvellement des infrastructures, dit André Grenier.

«La construction a mieux tenu le coup ici qu'ailleurs, dit-il. Une belle coïncidence a fait en sorte que les travaux ont commencé au moment du ralentissement économique. De plus, on a peut-être été plus chanceux qu'ailleurs au Canada car les industries qui ont le plus souffert de la crise, comme l'industrie pétrolière et l'automobile, sont surtout situées dans d'autres provinces.»

Secteur manufacturier

Au Québec, les pertes d'emplois les plus importantes au cours de la dernière année sont survenues dans les secteurs de la fabrication, avec 35 300 emplois perdus, selon l'ISQ.

«La fabrication est toujours le secteur qui en arrache le plus, dit André Grenier. Nous avons longtemps vécu sur du temps emprunté, avec un dollar faible. Ceux qui vont s'en tirer seront ceux qui amélioreront leur productivité. Du côté des pâtes et papiers, il y a eu beaucoup de pertes d'emplois mais c'était déjà commencé bien avant la crise, et la tendance va se poursuivre à la baisse. Mais du côté des produits en bois, l'hémorragie devrait prendre fin rapidement et on pourra observer une légère croissance quand le résidentiel se portera mieux aux États-Unis.»

D'ailleurs, poursuit-il, la part de la fabrication dans l'emploi ne recule pas seulement au Québec, mais à peu près partout en Occident. «Depuis 30 ans, c'est dans les services que se créent le plus d'emplois, et non dans la fabrication de biens», ajoute-t-il.

En second lieu du côté des pertes viennent les services aux entreprises et bâtiments (11 400), ainsi que le transport et l'entreposage. Ces grands secteurs ont connu des pertes respectives de 11 400 et de 10 700 emplois, selon l'Institut de la Statistique du Québec.

En revanche, le secteur ayant enregistré les gains les plus importants est celui des soins de santé et d'assistance sociale, avec 34 100 nouveaux emplois. Il est suivi par la construction, qui a gagné 26 900 emplois.

Montréal et la récession

Montréal a davantage souffert que le reste du Québec de la récession. C'est pourquoi Emploi-Québec a lancé la semaine dernière le Plan Emploi Métropole, assorti d'une enveloppe de 30 millions pour appuyer la relance.

Dans l'île, le taux de chômage est de 10%, et il est de 9% dans l'ensemble de la région métropolitaine. La région où le chômage reste le plus bas est Québec, avec 4,7%.

«Cela fait un bout de temps que Québec tire bien son épingle du jeu, dit André Grenier. Mais elle ne subit pas la même pression démographique que la métropole. Environ 85% des nouveaux arrivants s'installent à Montréal. D'un autre côté, c'est une bonne nouvelle pour les entreprises qui ont besoin de main-d'oeuvre. À Québec, il faut plus de temps pour combler un poste.»