S'ils avaient à demander une chose, les immigrés sherbrookois demanderaient deux cadeaux: inciter les employeurs à ne pas hésiter à les engager et mieux adapter les classes aux divers types d'immigrants. Les immigrés ne demandent qu'à s'intégrer à leur société d'accueil. Et qui dit intégration dit apprentissage rapide de la langue, puis un emploi pour gagner sa vie. «Jean Charest est de Sherbrooke, mais le taux de chômage est élevé ici. Où vont travailler les gens maintenant? Beaucoup de mes compatriotes vont travailler en Ontario.

«Ils nous trompent en disant qu'il y a de l'emploi», déplore Frida Mulibinge, qui est arrivée du Congo en 1998 et qui travaille dans une usine. «Il y a des mesures d'aide aux employeurs pour engager des immigrants, mais les employeurs ne sont pas motivés à en prendre», ajoute Bruno Munganza, un comptable arrivé du Congo en 2002, et qui se trouve pour l'instant entre deux emplois. Selon Miller Gutierrez, un colombien qui étudie en service social à l'université, «les immigrants ne savent pas la réalité en venant ici.

Et la réalité, c'est que les diplômes d'ailleurs ne sont pas reconnus et que les gens doivent travailler dans des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés». «Il n'y a pas de politique du gouvernement pour que chacun au Québec sache pourquoi nous sommes ici, poursuit M. Gutierrez. Il faut sensibiliser les gens des entreprises» à l'embauche d'immigrants. «Il faut quelqu'un qui s'intègre et l'autre qui intègre», résume-t-il. «Les gens sont pressés et ne veulent pas prendre le temps de former la main-d'oeuvre immigrante. Les gens sont trop pressés pour aider», estime Frida Mulibinge.

Et il y a des femmes réfugiées et monoparentales qui arrivent ici, observe-t-elle. Imaginez leurs difficultés à suivre des cours de francisation, faire garder les enfants et chercher du travail. «La population ne connaît pas assez les immigrants», envoie-t-elle comme message aux politiciens. En plus, fait observer Bruno Munganza, «Il y a du travail à faire» dans la structure d'accueil pour les immigrants qui ont vécu des années dans des camps de réfugiés et qui ne peuvent pas être intégrés dans des classes d'accueil normales qui seraient sur mesure pour eux. En somme, à quoi bon recevoir des immigrants si on ne s'occupe pas de les intégrer.

Dans le cas de l'afghane Nahid Ahmadzai, arrivée il y a cinq ans, les classes d'accueil étaient adaptées, mais, ajoute-t-elle, «on ne savait pas qu'on parlait français ici, on pensait que c'était anglais». «Le québécois normal n'est pas éduqué à l'immigrant», souligne le vénézuélien Gustavo Atencio, qui travaille maintenant aux communications pour la police. «Ils se sont habitués à mon accent», constate-t-il. «On doit prendre notre place. Personne ne la prendra pour nous.» il arrive environ 1100 immigrants par année en estrie et la région réussit à en garder environ 70%. «C'est normal que certains quittent, juge M. Atencio. J'ai déjà pensé déménager. Quand je suis arrivé en 1995, le chômage était à 12%. On ne vous engageait même pas pour balayer. Le Québec a fait du chemin depuis 1995, il a fait un 180 degrés, le Québec est un exemple d'intégration, mais il faut que ça continue.

Ici, je ne me plains même pas de l'hiver!»