Même si le président du Groupe Jean Coutu admet qu'il a discuté et même joué quelques fois au golf avec son vis-à-vis chez Metro, Éric Richer La Flèche, il ne lui vendra pas ses 407 pharmacies. C'est plutôt l'inverse qui intéresse François Jean Coutu: procéder à des acquisitions pour diversifier ses activités.

«Nous avons de la relève [...] Nous avons plein de projets, nous avons trop de plaisir à connaître du succès», a déclaré François Jean Coutu en marge de l'assemblée annuelle des actionnaires tenue hier.

Et le dirigeant ne manque pas d'argent pour assouvir ses ambitions. L'entreprise de Longueuil a entièrement remboursé ses dettes au cours des derniers mois et possède 185,3 millions de dollars en liquidités. C'est sans compter les quelque 130 millions de fonds autogénérés annuellement, après dividende. «Demain, si une occasion se présente, on va être agressifs (sic). Peut-être qu'on n'aura même pas besoin de parler à notre banquier. C'est ça qui est intéressant, ça nous donne toute la corde voulue pour agir rapidement.»

Son père Jean Coutu, vêtu d'un sarrau blanc sur lequel est brodé le mot «pharmacien», a tenu à préciser que les acquisitions envisagées demeureraient dans le secteur de la santé. Mais il a admis qu'il était difficile de mettre la main sur des «entités au Canada» qui réclament «un prix d'autrefois, quand les génériques étaient vendus 50% du prix des médicaments d'origine et non pas 25% comme aujourd'hui ou 18% comme ça se parle».

La chaîne de pharmacies a déjà commencé à s'engager dans la voie de la diversification avec l'achat en novembre dernier de 50% du Groupe Médicus pour une somme non divulguée. Cette entreprise spécialisée dans les orthèses, prothèses et autres produits du domaine de la réadaptation compte 13 magasins et laboratoires.

François Jean Coutu veut aussi ouvrir plusieurs pharmacies dans la province et en agrandir un certain nombre. Plus vaste, le futur centre de distribution (190 millions de dollars, 600 000 pieds carrés) à Varennes - qui sera prêt dans deux ans - doit justement aider l'entreprise à croître. «Construit pour le futur», l'entrepôt pourra traiter un plus grand nombre de catégories de biens, dont la nourriture et les cosmétiques.

L'analyste Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC, croit que le fabricant de médicaments génériques de Jean Coutu, Pro Doc, «demeure plus ou moins la seule source de croissance». Père et fils ne sont pas d'accord, voyant plusieurs possibilités, même un retour aux États-Unis. «Cinquante millions d'Américains n'ont pas d'assurances maladie. Barack Obama travaille fort pour que ça change. J'espère que ça va se réaliser. À ce moment-là, on pourrait envisager un retour», a confié Jean Coutu.

Prêts pour Target

Les deux hommes n'ont pas caché qu'ils s'étaient préparés à l'arrivée au Canada du géant américain Target. «Nous voulons offrir une meilleure valeur à nos clients pour des biens d'usage courant. Nous avons négocié de meilleurs prix auprès de nos fournisseurs», a révélé François Jean Coutu, donnant le shampoing, les produits d'entretien ménager, les déodorants, les couches et le papier hygiénique en exemple. Le prix du maquillage, l'une des catégories chouchou de Target, ne changera toutefois pas.

La loi 41, qui élargit le champ de pratique des pharmaciens du Québec, fait aussi partie des préoccupations du groupe. Jean Coutu a insisté sur le fait que les pharmaciens devront être rémunérés convenablement pour les nouveaux actes qu'ils pratiqueront, car «nous ne sommes pas des missionnaires». Son fils espère s'entendre dès cet été avec Québec sur la question. Il croit que l'ajout de tâches et de paperasse forcera l'embauche de personnel supplémentaire dans les pharmacies.

Ventes décevantes

Jean Coutu a par ailleurs livré des résultats trimestriels légèrement inférieurs aux attentes des analystes. Pour les trois mois terminés le 1er juin, le bénéfice net par action - en excluant les gains liés au placement dans Rite Aid - s'élève à 54,2 millions (26 cents par action) comparativement à 51,6 millions (24 cents par action) au cours du même trimestre l'an dernier. Si ce résultat est conforme aux prévisions, les ventes et les ventes des magasins comparables ont déçu.

Le titre du Groupe Jean Coutu [[|ticker sym='T.PJC.A'|]] a perdu 2,08% hier.

Résultats 1er trimestre 2013/2014 (terminé le 1er juin dernier) * T1-2014 T1-2013 Variation

REVENUS ** 681,6 681,5 "0,01%

BÉNÉFICE NET 54,2 51,6 -

BÉNÉFICE NET PAR ACTION*** 0,26$ 0,24$ -

VENTES AU DÉTAIL 1010,2 998,3 "1,2%

ÉTABLISSEMENTS COMPARABLES**** "0,6%

SECTION PHARMACEUTIQUE STABLE

SECTION COMMERCIALE "1,5%

* En millions de dollars canadiens, sauf les montants par action.

** Vente de marchandises aux franchisés.

*** Résultat excluant l'impact des gains liés au placement dans Rite Aid.

**** Pharmacies ouvertes depuis au moins un an