La force du dollar canadien ne les aidait déjà pas, et voilà qu'une mesure budgétaire du gouvernement fédéral pourrait empirer leur situation. Pour les commerçants québécois qui font affaire tout près de la frontière, l'annonce d'un rehaussement des exemptions de droits aux voyageurs n'est qu'un incitatif de plus offert aux consommateurs d'ici pour acheter aux États-Unis.

«C'est se tirer dans le pied, lance Benoît Fournier, gérant de la Quincaillerie Lacolle, située dans la municipalité du même nom, à moins de 10 kilomètres de la frontière américaine. Les gens vont déjà faire le plein aux États-Unis parce que ça coûte beaucoup moins cher, ils achètent leur épicerie de l'autre côté, alors s'ils ont encore le droit d'en acheter plus, ils vont en acheter plus.»

Michel Choinière, marchand associé du Canadian Tire de Valleyfield, abonde dans ce sens et appréhende l'impact de cette mesure sur ses ventes. «C'est inquiétant de voir ça», a-t-il dit à La Presse Affaires.

Derrière ce mécontentement des commerçants se cache une annonce faite le 29 mars dernier par le gouvernement dans le cadre de son budget. Le 1er juin prochain, les Canadiens ayant séjourné au moins 24 heures à l'étranger seront exemptés de taxes si leurs achats ne dépassent pas 200$, soit une augmentation de 300%. Pour un séjour de 48 heures et plus, le plafond d'imposition passera quant à lui à 800$.

Appareils électroniques, vêtements, jouets, épicerie: une gamme de produits passeront désormais sous le radar des agents de douane avec cette décision d'Ottawa. Selon Gaston Lafleur, président-directeur général du Conseil québécois du commerce de détail, cette mesure favorable aux consommateurs canadiens ne peut être que néfaste pour les détaillants, à commencer par ceux situés près de la frontière américaine.

«C'est évident que ce n'est pas une bonne nouvelle pour les commerçants, a-t-il indiqué. Dans une situation ou notre économie, sans être chancelante, n'est pas dans ses meilleures années, on peut se questionner sur le type de message qu'on veut envoyer.»

La même question hante Michel Choinière. «Je voudrais bien comprendre c'est quoi l'idée d'avantager les commerçants américains au lieu des canadiens», se demande-t-il.

Dans son plan d'action économique, le gouvernement justifie la hausse en soulignant que les Canadiens font «près de 30 millions de séjours d'une nuit ou plus à l'étranger» et qu'il était «grand temps de moderniser les règles applicables» aux achats que ces derniers font à l'étranger.

Selon Luc Nadon, porte-parole pour les médias de l'agence des services frontaliers du Canada, le changement accélérera le traitement des voyageurs canadiens à la frontière, et permettra une certaine réciprocité entre les règles douanières du Canada et des États-Unis. «Les seuils majorés pour les voyages de plus de 24 heures et de plus de 48 heures sont maintenant identiques à ceux qui s'appliquent aux ÉtatsUnis», a-t-il indiqué par voie de courriel.

Jacques Marcil, économiste principal de la Banque TD, suppose également que la mesure facilitera le travail des douaniers. Il reste toutefois perplexe sur l'impact qu'aura la mesure sur l'économie des détaillants d'ici. Selon lui, on sous-estime peut-être le nombre de Canadiens qui déclaraient de façon juste la hauteur de leurs achats à l'étranger. «S'il y avait déjà un phénomène de sous-déclaration, ça va ne pas faire une grosse différence parce que les gens achetaient déjà autant qu'ils voulaient», a-t-il expliqué.

---------------

CE QUE LES VOYAGEURS PEUVENT RAPPORTER SANS FRAIS

MAINTENANT

Séjour à l'étranger

Plus de 24 heures 50$

Plus de 48 heures 400$

Plus de 7 jours 750$

AU 1ER JUIN 2012

Séjour à l'étranger

Plus de 24 heures 200$

Plus de 48 heures 800$

Plus de 7 jours 800$