La guerre commerciale entre Bombardier et Boeing a été abordée mercredi à la table de négociation de l'ALENA. La ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, en a discuté directement avec le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer.

«J'ai expliqué la position canadienne et l'importance pour le Canada de cet enjeu», a-t-elle confirmé lors de la conférence de presse qui clôturait la troisième ronde de négociations tenue à Ottawa cette semaine.

Le département américain du Commerce a infligé mardi soir des droits compensatoires préliminaires de près de 220 % à Bombardier et ses appareils de la CSeries. C'est presque trois fois plus que ce que son concurrent Boeing exigeait.

La ministre Freeland a également signalé qu'elle allait s'entretenir au cours des prochains jours avec son homologue britannique. Bombardier emploie près de 8000 personnes en Irlande du Nord, dont plus de la moitié en aéronautique.

Mme Freeland a également l'intention d'aborder la question de Bombardier une énième fois avec le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross.

«Nous allons continuer de nous battre très, très fort», a-t-elle dit.

Les parlementaires ont adopté une motion du Nouveau Parti démocratique mercredi après-midi pour reconnaître l'importance économique de Bombardier et protéger les emplois de l'industrie aéronautique face à la décision du département américain du Commerce.

Le président de la Chambre des communes a toutefois rejeté une demande de débat d'urgence soumise par le Bloc québécois parce qu'elle ne répondait pas aux critères procéduraux.

Ceux-ci stipulent qu'une telle demande ne doit pas, règle générale, «concerner une industrie ou un groupe en particulier».

«C'est quoi que ça prend? Cent milles, un million d'emplois menacés? Ça, là, c'est le coeur de l'économie du Québec qui est menacé puis on s'en lave les mains ici», s'est insurgé le leader parlementaire du Bloc québécois, Gabriel Ste-Marie.

Le gouvernement Trudeau s'est attiré les critiques de l'opposition mercredi.

«Le gouvernement fédéral a mal géré cette situation dès le début en choisissant de donner une subvention, et c'est au gouvernement de défendre sa position devant les tribunaux», a affirmé le chef conservateur, Andrew Scheer.

Le gouvernement avait octroyé un prêt de 372,5 millions au géant de l'aéronautique en février.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair, a plutôt dénoncé l'approche trop conciliante du gouvernement.

«Jusqu'à maintenant, tout ce que Justin Trudeau a réussi à faire, c'est de menacer d'annuler un contrat qui n'existe même pas. Est-ce qu'on peut avoir un premier ministre qui, lorsqu'il parle avec le président américain, soulève ces questions importantes de commerce ? Parce que si on se fait malmener comme c'est le cas en aérospatiale, tout le reste va suivre dans les négociations de l'ALENA.»

Le premier ministre Justin Trudeau a réagi à cette décision américaine mercredi matin sans répéter sa menace à l'endroit de Boeing. Il avait menacé il y a quelques semaines de ne plus acheter à Boeing ses avions-chasseurs Super Hornet si l'entreprise ne retirait pas sa plainte.

«Évidemment, c'est une décision décevante, mais comme je l'ai toujours dit, on va toujours se battre pour les emplois canadiens», a-t-il déclaré.

La ministre Freeland a fait remarquer que le Canada doit faire face à un voisin du sud de plus en plus jaloux de ses industries.

«Nous savons tous que c'est une administration qui est ouvertement protectionniste. C'est une administration qui parle ouvertement d'une politique du America First et c'est la réalité avec laquelle le Canada doit travailler», a constaté Mme Freeland.

Les dirigeants de Bombardier n'ont pas souhaité accorder d'entrevues mercredi.

«On a le meilleur avion et on va se battre!», pouvait-on lire dans un gazouillis du vice-président des affaires externes de Bombardier, Olivier Marcil. Il citait le président-directeur général de l'entreprise, Alain Bellemare, que l'on pouvait voir sur une photo en train de s'adresser aux employés de Mirabel.