Le gel du taux d'imposition des petites et moyennes entreprises (PME) plutôt que sa diminution promise en campagne électorale affectera le PIB et l'emploi - mais augmentera les revenus de l'État.

Les libéraux de Justin Trudeau s'étaient engagés à aller de l'avant avec le plan conservateur d'abaisser le taux d'imposition des PME, le faisant passer - pour les premiers 500 000 $ de revenus - de 10,5 % à 9 % d'ici 2019. Or, dans le budget déposé ce printemps, ce taux est resté inchangé, à la grande déception des entreprises.

Le directeur parlementaire du budget (DPB), Jean-Denis Fréchette, conclut dans un rapport déposé mardi que cette promesse brisée fera diminuer le produit intérieur brut de 300 millions $ et coûtera 1240 emplois en 2020-2021.

L'État pourra toutefois engranger cumulativement 2,15 milliards $ en recettes fiscales de plus au cours des cinq prochaines années, avec le gel du taux d'imposition.

Mais pour le député conservateur Pierre Poilievre, à l'origine de cette requête au DPB, il est inconcevable que le gouvernement puise à même les poches des PME pour garnir ses coffres.

«Nous pensons que l'argent devrait rester dans les poches des gens qui l'ont mérité, qui l'ont gagné avec leur travail, leurs investissements et les risques qu'ils ont pris», a-t-il soutenu dans un point de presse.

Selon lui, Ottawa devrait renoncer à accorder une aide financière au géant de l'aéronautique Bombardier et utiliser plutôt ces sommes pour abaisser le taux d'imposition des PME. «Je trouve que c'est ironique que le gouvernement tente de donner un milliard $ de l'argent des autres alors qu'il prend un milliard $ des petites entreprises qui l'ont gagné», a-t-il lancé. Pour l'instant, le gouvernement libéral n'a toutefois pas confirmé s'il allait accorder ou non à Bombardier l'aide demandée par la compagnie et par Québec.

Les conservateurs ne sont pas les seuls à s'indigner de la promesse rompue des libéraux envers les PME. Pour la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), le rapport du DPB confirme que le recul du gouvernement sur le taux d'imposition n'est pas sans conséquences sur l'économie.

«Si au lieu de laisser dans les entreprises ce 2 milliards $, on l'envoie dans les coffres du gouvernement, c'est évident que les entreprises ne l'ont plus pour faire croître leur entreprise, pour créer davantage d'emplois, pour financer des projets d'investissement, etc.», a illustré sa vice-présidente, Martine Hébert.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a par ailleurs annoncé mardi qu'il allait tenter d'amender le budget pour que ces réductions d'impôt soient mises en place.

Aux yeux du chef néo-démocrate sortant Thomas Mulcair, maintenir le niveau d'impôt des PME est «une erreur monumentale» de la part de M. Trudeau.

«Il n'arrête pas de nous rabâcher les oreilles avec le fait qu'il veut créer de l'emploi, mais la meilleure manière de créer de l'emploi, c'est de donner un peu d'oxygène à nos PME», a-t-il plaidé.

Le chef intérimaire du Bloc québécois, Rhéal Fortin, se désole pour sa part que les gouvernements - conservateurs ou libéraux - renoncent à leurs engagements électoraux en situation majoritaire. «C'est blanc bonnet, bonnet blanc, a-t-il soutenu. On assiste à l'ignorance la plus totale des engagements pris avant.»

La ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme, Bardish Chagger, voit toutefois les choses d'une autre façon. À ses yeux, le DPB a conforté le gouvernement dans sa décision de ne pas aller de l'avant avec les baisses d'impôt.

«Le rapport confirme que l'approche du gouvernement précédent aurait créé à peine 1000 emplois à un coût de près de 2,1 milliards $, sans croissance pour l'économie», a-t-elle fait valoir.