À titre de commissaire fédérale de la concurrence, Melanie Aitken a fait plier les agents immobiliers, octroyé une amende record de 10 millions à Bell pour publicité trompeuse, traîné VISA et MasterCard en cour pour leurs frais cachés et demandé l'annulation du partenariat entre Air Canada et United Airlines.

Tout ça en seulement trois ans, alors que l'avocate de 46 ans vient de mettre fin prématurément à son mandat à la tête du Bureau de la concurrence «avec le sentiment extrêmement satisfaisant d'avoir aidé et protégé les gens dans leur vie de tous les jours.»

Durant son mandat à la tête du Bureau de la concurrence, Melanie Aitken n'a pas oublié ses réflexes d'avocate en litige, sa profession à Toronto avant d'être nommée par le gouvernement Harper en août 2009. «Nous avons beaucoup mis d'accent sur l'application de la loi, dit Melanie Aitken en entrevue avec La Presse Affaires au moment de son départ. Nous avons envoyé plusieurs messages forts sur les conséquences de violer la loi. C'est important de tout faire quand l'intérêt public est compromis. Si c'est une pratique anticoncurrentielle, vous ne pouvez pas vous asseoir, vous avez l'obligation d'agir. Vous ne pouvez pas avoir peur de perdre. Et il y a d'autres bénéfices à aller devant les tribunaux, dont clarifier la loi pour tout le monde.»

Pas froid aux yeux

À deux ans de la fin prévue de son mandat, Melanie Aitken a démissionné officiellement vendredi après avoir annoncé cet été son départ pour des raisons personnelles. Elle veut rejoindre son fils de 6 ans à Toronto.

Cette avocate qui n'a pas froid aux yeux est arrivée au bon moment à la tête du Bureau de la concurrence. Quelques mois avant sa nomination, le gouvernement Harper a modifié les lois pour donner plus de mordant au Bureau à la concurrence. Le fardeau de preuve a été diminué dans les causes criminelles. La procédure en matière de fusions et d'acquisitions a été modifiée à l'avantage du Bureau qui a une meilleure fenêtre (30 jours après le dépôt des documents) pour évaluer un projet de fusion ou d'acquisition d'importance.

Mais surtout, le Bureau de la concurrence peut maintenant demander des amendes dans les cas d'abus de position dominante. Un nouveau pouvoir dont Melanie Aitken ne s'est pas privée. Elle a imposé l'an dernier pour une première fois l'amende maximale de 10 millions de dollars pour publicité trompeuse au géant des télécommunications Bell, au terme d'une entente à l'amiable.

Le 14 septembre dernier, un vendredi, elle a sévi de nouveau en demandant 30 millions à Bell, Rogers et Telus pour avoir toléré (et bénéficié) des frais illégaux de messagerie texte sur les téléphones mobiles. Cette fois-ci, le litige se transportera devant le Tribunal de la concurrence, les deux parties n'ayant pu s'entendre. «Imposer des amendes importantes a envoyé un message aux entreprises: vous ne pouvez pas vous cacher, vous devez assumer vos responsabilités», dit-elle.

Les cinq grandes causes de Melanie Aitken

Les agents immobiliers

Le Bureau s'est entendu en septembre 2010 avec les agents immobiliers pour rendre le système d'inscription des propriétés (MLS) plus accessible à tous. La semaine dernière, le Bureau a poursuivi les agents immobiliers de Toronto parce qu'ils empêchent la diffusion sur internet de certaines informations, comme les anciennes inscriptions de propriétés à vendre et les prix obtenus.

Air Canada

En août, le Bureau a amené en cour Air Canada pour faire annuler son entente avec le transporteur américain United, qui leur octroierait un monopole sur 10 itinéraires aériens.

VISA et MasterCard

Non, VISA et MasterCard ne devraient pas forcer les commerçants à accepter toutes les cartes de crédit sans frais supplémentaires, car les deux entreprises imposent elles-mêmes aux commerçants des frais supplémentaires pour les cartes à privilèges. Le Bureau a poursuivi VISA et MasterCard en août sur la question des frais imposés aux commerçants, qui atteignent 5 milliards par année et qui finissent par être refilés à tous les consommateurs.

Les télécoms

Le Bureau a imposé l'amende maximale de 10 millions à Bell l'an dernier pour publicité trompeuse. Il poursuit aussi Bell, Rogers et Telus pour la même amende maximale parce qu'ils auraient facilité l'envoi de textos payants à leurs clients sans leur consentement. En télécoms, le Bureau doit aussi statuer cet automne sur l'achat d'Astral par Bell.

L'essence

Le dossier de complot pour fixer le prix de l'essence dans plusieurs régions du Québec avait commencé avant la nomination de Melanie Aitken. Depuis 2008, 27 personnes et 7 entreprises ont été condamnées à trois millions de dollars d'amendes et quatre ans et demi d'emprisonnement.