L'impasse dans les négociations entre Postes Canada et ses 48 000 employés en lock-out s'est transportée à la Chambre des communes où le gouvernement Harper et le NPD sont engagés depuis jeudi soir dans une guerre d'usure sur l'adoption d'un projet de loi visant à mettre fin à ce conflit de travail.

En fait, la bataille que livre le NPD pour empêcher le gouvernement Harper d'adopter le projet de loi visant à forcer les employés de Postes Canada à reprendre le travail vient de passer à l'histoire.

Sur le coup de midi, les députés ont établi un nouveau record en faisant du débat portant sur cette loi d'exception le plus long de l'histoire de la Chambre des communes lorsqu'elle a été saisie d'un projet de loi pour mettre fin à un conflit de travail.

Depuis les années 1950, le gouvernement fédéral a adopté une loi de retour au travail à 32 reprises. Mais aucun débat n'avait duré plus de 26 heures. À midi, le débat sur le projet de loi du gouvernement Harper avait franchi le cap des 27 heures.

Le service de livraison du courrier au pays est  interrompu depuis que Postes Canada a mis ses 48 000 employés en lock-out mercredi dernier.

Les troupes de Jack Layton sont déterminées à utiliser tous les outils parlementaires à leur disposition pour empêcher l'adoption de cette loi d'exception, qu'il juge rétrograde pour les travailleurs de Postes Canada parce qu'elle leur accorde notamment des hausses salariales inférieures à ce que l'employeur avait mis sur la table dans sa dernière offre.

«Soyons clairs: cette loi est une violation du droit des travailleurs de négocier en toute bonne foi une convention collective. Elle a aussi pour effet d'affaiblir le droit de négociation de tous les Canadiens. (...) Cette loi envoie un message aux employeurs de partout au pays. Elle leur dit que ce gouvernement se rangera du côté des patrons, contre les employés, et ce, à chaque occasion qu'il aura», a affirmé le chef du NPD Jack Layton jeudi soir.

M. Layton a proposé une motion visant à retarder le débat sur cette loi d'exemption de six mois. Les députés débattent de cette motion depuis jeudi soir. Chaque député peut débattre de cette question pendant 20 minutes et les stratèges du NPD ont promis que tous les députés néo-démocrates s'exprimeront sans relâche sur cette question.

Dans un point de presse vers 13 h, la ministre du Travail, Lisa Raitt, a fustigé les tactiques du NPD, affirmant que le conflit de travail à Postes Canada nuit à l'économie. Elle a affirmé que la Chambre des communes siègera le temps qu'il faudra pour adopter le projet de loi, quitte à ce que les députés siègent aussi toute la fin de semaine.

Le gouvernement Harper croit que le projet de loi pourrait être adopté que lundi ou mardi seulement par les Communes si le NPD poursuit sa bataille.

Dans le cas du NPD, il s'agit d'une question de protéger les droits des travailleurs de négocier librement leurs conventions collectives. Dans le cas du gouvernement Harper, il s'agit de mettre fin à un conflit qui cause des ennuis aux entreprises et aux Canadiens et pourrait nuire à la reprise économique.

Malgré les festivités de la Saint-Jean-Baptiste qui se déroulaient partout au Québec, les députés québécois, eux, étaient au travail, reconnaissant toutefois dans le cadre de leurs discours qu'ils auraient préféré célébrer eux aussi dans leurs comtés.

Le néo-démocrate Pierre Dionne Labelle, du comté de Rivière-du-Nord, a même invité les parlementaires à chantonner avec lui: «Si j'avais les ailes d'un ange, je partirais pour Québec». Ses collègues du Nouveau Parti démocratique (NPD) ont entonné l'hymne de Robert Charlebois, applaudissant chaudement M. Dionne Labelle par la suite.

Mercredi soir, Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) ont annoncé ne pas être parvenus à conclure une entente et que les négociations avaient été rompues.

Le sort du conflit semble donc désormais reposer entièrement entre les mains du Parlement, qui se penche depuis lundi sur une loi de retour au travail pour légiférer la fin du lock-out imposé par la partie patronale il y a dix jours.

Les travaux parlementaires devaient prendre fin jeudi pour l'été, mais plutôt que de rentrer chez eux pour les vacances les députés ont entamé le débat sur le projet de loi vers 21h, le soir même. Ils avaient débattu pendant la journée de jeudi de la procédure à suivre pour mener ce débat.

Plusieurs députés québécois du NPD et du Bloc québécois ont eux aussi dénoncé être forcés de célébrer la Saint-Jean-Baptiste en raison de ce débat.

Le premier ministre Stephen Harper était en Chambre par moments, pendant la nuit et dans la matinée de vendredi, avant de quitter Ottawa pour Thetford Mines où il participera, lui, à des festivités de la Fête nationale avec son lieutenant québécois, le ministre Christian Paradis.

Le chef néo-démocrate Jack Layton participera quant à lui à une activité à Gatineau, restant ainsi non loin du Parlement, tandis que le chef libéral intérimaire Bob Rae était de passage à Québec.

Avec la Presse canadienne