Les dirigeants des plus grandes entreprises de l'industrie aérospatiale craignent que le débat sur l'achat par le gouvernement canadien de 65 avions de chasse F-35 pour 9 milliards de dollars ne dérape au point de mettre en péril des milliers d'emplois.

Sept dirigeants sont venus à Ottawa hier pour exhorter les partis politiques, en particulier le Parti libéral, à mettre de côté les «jeux politiques» et à appuyer la décision du gouvernement Harper d'aller de l'avant avec ce contrat.

Le chef libéral Michael Ignatieff a promis de «suspendre» ce contrat s'il prend le pouvoir aux prochaines élections afin d'évaluer les besoins des Forces armées canadiennes en ces temps de restrictions budgétaires.

Ce contrat soulève la controverse depuis quelques semaines parce qu'il a été accordé sans appel d'offres à une société américaine, Lockheed Martin, et parce qu'il ne contient aucune clause obligeant l'entreprise à investir l'équivalent de la valeur du contrat en retombées économiques au pays.

Mais les dirigeants des grandes entreprises - Marc Parent de CAE, Paul Kalil d'Avcorp Industries, James Butyniec de Magellan Aerospace Corporation, John Saabas de Pratt & Whithney, Gilles Labbé de Héroux-Devtek, Gregory Yeldon de Esternline CMC Electronics, et Maurice Guitton de Composites Atlantic Ltd - ont soutenu à tour de rôle que tout délai ou toute hésitation de la part du gouvernement met en danger des milliers d'emplois, des milliards en investissements et risque aussi de faire grimper la facture pour les contribuables.

En conférence de presse, hier, ils ont affirmé que la construction des avions F-35 est un projet qui a commencé il y plus d'une décennie auquel sont associés neuf pays, dont le Canada.

Ils ont soutenu que les entreprises canadiennes pourront non seulement décrocher des contrats pour la construction des 65 avions que compte acheter le Canada, mais aussi pour au moins 3000 autres avions qui seront construits dans le cadre de ce projet sans précédent. Ils estiment que les retombées possibles s'élèvent à au moins 12 milliards de dollars.

Les avions F-35 doivent remplacer la flotte vieillissante des CF18 d'ici 2016.

«Nous sommes très inquiets de voir cette décision du gouvernement canadien faire l'objet de jeux politiques. Nous pressons donc les leaders de tous les partis politiques à appuyer la décision du gouvernement. Nous ne voulons pas que l'on répète les erreurs du passé. Car ces erreurs seraient encore plus coûteuses que jamais pour notre industrie, pour les forces armées et, en bout de piste, pour le pays», a dit Claude Lajeunesse, le président de l'Association des industries aérospatiales du Canada.

«L'industrie canadienne est prête à prendre sa place. Mais il faut prendre une décision aujourd'hui. Car si on manque le bateau maintenant, dans deux ans, nous allons avoir beaucoup de misère à récupérer le terrain perdu (aux mains d'entreprises étrangères)», a affirmé John Saabas, de Pratt & Whitney.

«Nous avons une courte fenêtre de 24 mois pour nous positionner et participer à la chaîne d'approvisionnement mondial. Le timing est important. Notre industrie en a besoin non seulement maintenant, mais pour l'avenir. Nous vivons dans une démocratie. Mais nous estimons que nous devons aller de l'avant avec ce projet», a dit Marc Parent de CAE Inc.

Présent à la conférence de presse, le député libéral Marc Garneau a réitéré que son parti a la ferme intention de suspendre le contrat s'il remporte les prochaines élections. Il a soutenu que les CF18 peuvent tenir le coup jusqu'en 2020 et que le Canada pourrait se retirer du projet sans encourir de pénalité jusqu'en 2013.

Il a aussi affirmé que l'industrie et le gouvernement Harper exagèrent en affirmant que tout délai pourrait mettre des milliers d'emplois en jeu.

«Je comprends leurs points de vue. Mais la réalité est que si on a à coeur les intérêts des contribuables, on pourrait avoir un avion moins coûteux (en lançant un appel d'offres) et en exigeant des garanties de retombées économiques. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne suit pas la le processus habituel», a dit M. Garneau.