Vous souhaitez placer des fonds en Suisse ou aux Bahamas, à l'abri des indiscrets? Attachez vos tuques, car ce stratagème devrait être plus compliqué avec le nouveau règlement canadien sur les courtiers internationaux.

Un client canadien a vécu une douloureuse expérience à ce sujet, dernièrement. De retour au pays après avoir résidé sept ans en Suisse, il s'est fait dire par la banque UBS que ses fonds seraient prochainement liquidés et sa carte de crédit, annulée. Raison invoquée par UBS: le fisc canadien veut rapatrier des fonds, à l'exemple des Américains.

«La banque UBS défend davantage sa réputation que ses clients», a dit à La Presse Affaires ce client canadien, sous le couvert de l'anonymat.

La mauvaise nouvelle lui a été transmise dans une lettre, en décembre. Le client s'est fait demander s'il se conformait au nouveau règlement canadien 31-103, adopté en septembre. Son histoire a fait l'objet d'un reportage dans le journal Le Temps, de Genève, en Suisse.

Le fisc? Oui et non

Vérification faite au Canada, le nouveau règlement a effectivement des effets contraignants pour les banques étrangères, mais il n'a pas été conçu pour des raisons fiscales. S'il touche le fisc, c'est de façon indirecte.

La plupart des fiscalistes canadiens à qui nous avons parlé n'avaient d'ailleurs pas connaissance de ce nouveau règlement. «Je ne suis pas au courant de ce 31-103», nous a dit Denis Rousseau, associé de Ernst & Young, à Montréal.

Quant aux avocats en valeurs mobilières, ils sont catégoriques. «C'est purement un règlement sur les valeurs mobilières, qui n'a rien à voir avec l'aspect fiscal», nous dit Jean Martel, de Lavery de Billy.

Sur le terrain, cependant, un fait demeure: les résidants canadiens pourront plus difficilement placer leurs fonds à l'étranger, à moins que leurs banques étrangères n'enfreignent la réglementation canadienne.

C'est que le règlement 31-103 oblige les courtiers et les banques étrangères, suisses ou autres, à s'inscrire au Canada si elles veulent vendre des valeurs mobilières aux résidants canadiens. Et lorsqu'on parle d'inscription, on ne parle pas d'UBS Canada pour des fonds placés en Suisse, par exemple, mais bien d'UBS Suisse.

Autrement dit, un résidant canadien qui veut placer 1 million de dollars dans les fonds communs d'une banque suisse ne pourra le faire à moins que cette institution ne soit inscrite comme courtier international au Canada.

Cette inscription n'est pas évidente, puisqu'elle comporte son lot de coûts et d'obligations.

Certes, l'argent peut rester dans le compte bancaire étranger en liquide et bénéficier du secret bancaire suisse, mais ce service est peu attrayant. En effet, si le capital ne peut être placé, il ne rapporte pas de revenus et le client n'a donc rien à cacher au fisc.

Au moins 5 millions

Le règlement 31-103 a pour but de protéger les petits investisseurs canadiens, scandales financiers obligent. Elle vient harmoniser les règles diverses des 10 provinces.

Un courtier étranger ou une banque étrangère est tenu de s'inscrire au Canada à moins de respecter certaines conditions, liées au type d'investisseurs.

Ainsi, le règlement permet que le courtier international soit dispensé d'inscription au Canada à la condition que l'investisseur, s'il s'agit d'un particulier, dispose d'un actif financier net d'au moins 5 millions de dollars, maison exclue. Dans un tel cas, le règlement considère que l'investisseur est sophistiqué et qu'il n'a pas besoin de la protection de la loi.

En ce qui concerne les entreprises, l'actif doit excéder 25 millions. Enfin, les institutions financières et gouvernements ne sont visés par aucune limite. Autrement dit, les banques étrangères sont toujours dispensées d'inscription dans un tel cas.

Avant septembre dernier, la réglementation était moins contraignante. Les intermédiaires de marchés ont maintenant jusqu'au 28 mars pour se conformer au règlement 31-103.

Joint en Suisse, le porte-parole d'UBS, Serge Steiner, confirme que la banque respectera le nouveau règlement canadien. «Nous avons informé tous nos clients canadiens», a-t-il dit. Selon M. Steiner, le règlement 31-103 obligera aussi UBS à annuler les cartes de crédit et de débit de ses clients canadiens d'ici à l'été prochain.

Selon nos recherches, il est possible que la règle 31-103 ait pour effet d'interdire aux banques étrangères d'offrir du crédit à leurs clients canadiens. Cependant, il est peu probable que ce règlement régisse les cartes de crédit et encore moins les cartes de débit, qui relèvent du droit bancaire.

Serge Steiner suggère aux Canadiens de transférer leurs fonds chez UBS Canada. Dans ce cas, faut-il dire, il y aurait émission d'un relevé T5 pour les fins fiscales fédérales (relevé 3 au Québec).

Rappelons qu'UBS a été échaudée par son litige avec le fisc américain. La banque a été obligée de transmettre au fisc américain les informations concernant 4450 comptes suisses appartenant à des résidants américains à la suite d'un litige devant un tribunal de Floride. Le Canada ne dispose présentement d'aucun outil pour exiger une telle dénonciation.