Les Bombardier, CAE, Pratt&Whitney Canada et autres Héroux-Devtek se sont fait doubler par l'Allemagne. Le Canada n'est plus la quatrième puissance mondiale de l'aérospatiale. L'Allemagne, qui le suivait de près depuis quelques années, vient de lui ravir cette position.

C'est sous cette douche froide que l'Association des industries aérospatiales du Canada (AIAC) a entamé son congrès annuel hier à Ottawa.

«Nous étions fiers, avec raison, d'occuper le quatrième rang mondial, mais nous avons maintenant glissé à la cinquième position, a déploré le président et chef de la direction de l'AIAC, Claude Lajeunesse, en s'adressant aux participants. D'autres pays tentent agressivement d'obtenir notre part de marché. Visiblement, il ne sera pas suffisant de maintenir notre niveau actuel d'investissements pour garantir notre statut de leader mondial.»

Ce sont évidemment les États-Unis qui constituent la plus grande puissance mondiale de l'aérospatiale, avec des revenus de plus de 210 milliards US. La France est loin derrière, avec des revenus de 50 milliards de dollars, alors que le Royaume-Uni et l'Allemagne suivent avec des revenus respectifs de 32,7 milliards et de 32,1 milliards. Le Canada a peu progressé et traîne un peu la patte avec des revenus d'un peu plus de 23 milliards.

M. Lajeunesse a également cité une étude de la firme de consultation AeroStrategy sur les investissements en recherche et développement, en production et en maintenance et entretien depuis 1990. AeroStrategy a dressé une liste des 10 pays qui ont enregistré le plus d'investissements dans chacune de ces catégories. Le Canada ne s'y retrouve même pas.

«Les endroits les plus populaires pour l'établissement de centres d'ingénierie sont la Russie, les États-Unis, l'Inde et Singapour, a déclaré M. Lajeunesse. Quant à la production, les fabricants de systèmes dispersent les activités à forte main-d'oeuvre vers les pôles à faible coût que sont le Mexique, la Chine, les États-Unis et la Russie. En comparaison, le Canada, dont l'industrie est fondée sur le savoir, a attiré peu de centres de recherche de firmes étrangères.»

Le président de l'AIAC a rappelé que l'avenir de l'aérospatiale était particulièrement prometteur. Airbus et Boeing prévoient que le monde aura besoin de 25 000 à 29 000 nouveaux appareils au cours des 20 prochaines années, ce qui ne tient pas compte des besoins au niveau de la défense. Plusieurs pays qui n'étaient pas particulièrement actifs dans le domaine de l'aérospatiale ont réalisé ce potentiel et ont investi massivement afin de créer une industrie nationale.

«Peut-être n'avons-nous pas pris ces pays suffisamment au sérieux, a avancé M. Lajeunesse. Qui a anticipé le succès d'Embraer? Qui aurait pensé qu'un jour, Mitsubishi affronterait directement Bombardier? Avons-nous vu l'émergence de concurrents au Mexique, au Maroc ou à Singapour?»

Il a également rappelé que les gouvernements de pays développés investissaient également dans l'aérospatiale, comme l'Union européenne, qui investira 6,5 milliards au cours des prochaines années pour divers projets de recherche et 1,2 milliard pour mettre au point des technologies propres.

Les autorités américaines investiront de leur côté 123 millions au cours des cinq prochaines années pour la mise au point d'appareils moins polluants.

«Ces gens-là se préparent pour l'avenir», a commenté M. Lajeunesse, au cours d'une entrevue téléphonique avec La Presse Affaires après son allocution.

Pour sa part, le gouvernement canadien investira un maigre 11,8 millions au cours des quatre prochaines années pour mettre au point des technologies propres.

«Il faut renverser la vapeur», a lancé M. Lajeunesse.

Il a affirmé que le gouvernement canadien pourrait aider son industrie aérospatiale avec davantage d'investissements, mais aussi avec une politique d'acquisition de matériel de la défense qui favorise davantage l'industrie nationale.

Mais les entreprises ont également un rôle à jouer.

«C'est tentant, dans les moments difficiles, de sacrifier la recherche et le développement, mais c'est une vision à court terme, a déclaré M. Lajeunesse. Il faut que les entreprises continuent d'investir, qu'elles conservent leurs équipes d'ingénierie pour passer au travers les prochains mois, qui seront difficiles, et qu'elles repartent par la suite.»