L'assureur américain AIG qui annonce des pertes historiques. Le prix du pétrole qui essuie une dégelée. Warren Buffett qui joue les prophètes de malheur. C'en était trop pour les Bourses de la planète, qui se sont effondrées hier pour atteindre dans certains cas des creux jamais observés en plus d'une décennie.

À Toronto, le TSX a perdu 435 points ou 5,36% pour atteindre 7687 points, frôlant le creux de 7648 atteint lundi dernier. L'indice nage aujourd'hui aux niveaux observés à la fin de l'année 2003.

 

Le Dow Jones, lui, a fait un voyage dans le temps plus important. Avec une chute de 300 points, soit 4,24%, l'indice a touché son plus bas niveau depuis 1997.

«Je suis perplexe, on cherche des explications», disait hier midi Gabriel Lancry, administrateur associé chez Scotia McLeod, alors que les Bourses étaient en pleine déroute.

Statistique Canada venait alors de nous apprendre que le PIB canadien a reculé de 3,4% au dernier trimestre de 2008. «Mais il n'y a rien de surprenant là-dedans. On s'attendait à ça», disait M. Lancry.

Nul doute que le prix du baril de pétrole, qui a connu une autre journée folle hier en perdant 10% à New York, a plombé le TSX. Sauf qu'à peu près tous les sous-secteurs ont écopé, les pertes les plus importantes provenant des matériaux de base (-8,24%) et des sociétés financières (-8,20%).

Pour Michel Tessier, analyste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne, le TSX a tout simplement été emporté par le tsunami qui a balayé l'Asie et l'Europe avant de déferler sur l'Amérique du Nord.

«C'est la vague mondiale», dit-il simplement.

À Tokyo, le Nikkei 225 a perdu 3,8% tandis que le Hang Seng de Hong-Kong cédait 3,9%. Les marchés d'Australie, de Taiwan et de Singapour ont aussi tous connu des baisses de plus de 3%.

En Europe, le FTSE 100, de Londres a terminé en baisse de 4,1%, atteignant en cours de séance des creux jamais vu depuis avril 2003. Le DAX allemand a reculé de 2,6% tandis que le CAC perdait 3,1% à Paris.

À New York, le Nasdaq, dominé par les sociétés technologiques, a perdu 3,99%.

Pour expliquer cette dure journée en Bourse, M. Tessier souligne d'abord la catastrophe annoncée hier par le géant AIG. En trois mois seulement, l'assureur américain a réussi à perdre 61,7 milliards US. C'est davantage que l'ensemble des dépenses du gouvernement du Québec pour un an complet. Et c'est tout simplement la plus grosse perte jamais déclarée par une entreprise américaine.

Le genre de donnée qui ébranle, surtout des investisseurs échaudés qui ont connu leur lot d'émotions fortes depuis l'automne.

Un autre signe est venu de General Electric. L'entreprise a annoncé vendredi qu'elle coupait le dividende qu'elle verse à ses actionnaires, une première depuis 1971.

«Le marché se demande quelles seront les prochaines compagnies à suivre, dit M. Tessier. Ça met en doute la solidité de plusieurs entreprises, et ça plombe l'attrait pour les actions.»

Sans compter que le marché n'a peut-être pas encore fini de digérer les derniers chiffres sur le PIB américain dévoilés vendredi, qui font état d'un recul de 6,2% au quatrième trimestre en rythme annuel, bien pire que les 3,8% qu'on annonçait.

«Ces facteurs font craindre aux investisseurs que la récession soit plus profonde et plus longue que prévu», dit Michel Tessier.

Luc Grenier, gestionnaire de portefeuille pour l'Industrielle Alliance Clarington, pointe aussi du côté du milliardaire Warren Buffett. Dans sa lettre annuelle à ses investisseurs, l'Oracle d'Omaha a prédit samedi que «l'économie sera en lambeau pour l'année 2009 - et, en fait, probablement bien au-delà».

«Venant d'un gars comme lui, ça a clairement mis une pression à la baisse», dit Luc Grenier.

Le dollar canadien a essuyé les contrecoups de cette dure journée, perdant 1,16 cent à 77,44 cents US.

La lumière au bout du tunnel? Michel Tessier, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, croit qu'on la verra quand les prix de l'immobilier se stabiliseront aux États-Unis. «Ça va vouloir dire moins de pertes sur les prêts pour les banques, et ça va donner confiance aux consommateurs. Ils seront alors en mesure d'augmenter leurs dépenses.»