Le spectre de la faillite qui rôde depuis des mois autour de General Motors (gm) est sur le point de se matérialiser.

Le constructeur automobile a été incapable de s'entendre avec ses obligataires, qui ont refusé d'échanger 27 milliards US de dette contre 10% des actions de GM. Cet échec, annoncé hier, devrait forcer l'entreprise à se placer sous la protection des tribunaux au cours des prochains jours, estiment les experts.

La réduction de la dette est cruciale à la relance de GM. Washington a déjà injecté plus de 19 milliards US dans le constructeur et exigeait un accord avec les obligataires avant d'allonger d'autres fonds publics. Sans entente, le robinet sera fermé dès lundi prochain, ce qui accule l'entreprise au mur.

 

Le dépôt de bilan de la société mère risque aussi de se traduire par une mise en faillite de la filiale canadienne de GM, même si sa santé est moins précaire. «Comme les obligataires détiennent des obligations dans les deux pays, c'est plus probable qu'ils doivent passer par une faillite au Canada», explique Louis Gialloreto, professeur de marketing à McGill.

Une restructuration au Canada se ferait sous le chapeau de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, semblable au «chapitre 11» américain, souligne Marc Chabot, professeur titulaire de sciences comptables à l'UQAM et expert des faillites.

À contrecoeur

C'est à contrecoeur que GM cherchera la protection des tribunaux, après des mois de cure minceur extrême. Le groupe a déjà fermé des usines, licencié des milliers de travailleurs, supprimé la bannière Pontiac et annoncé la fermeture de plus de 40% de ses concessionnaires au Canada et aux États-Unis. Des accords de réduction des salaires ont aussi été ratifiés des deux côtés de la frontière, promettant des milliards d'économies annuelles.

Malgré tous ces efforts, la dette demeure étouffante. GM espérait être capable de l'abaisser de 44 milliards US d'ici lundi prochain, mais le refus de ses obligataires d'accepter un échange contre des actions rend ce scénario impensable.

Les détenteurs d'obligations «ont le gros bout du bâton», puisqu'ils sont souvent considérés comme créanciers garantis quand une entreprise se place sous la protection de la loi des faillites, dit le professeur Marc Chabot. Ils espèrent obtenir plus d'argent en cour que ce que GM leur a offert dans sa dernière proposition.

Selon l'expert, la restructuration judiciaire est «une bonne chose», malgré la connotation négative qui y est souvent associée. «L'objectif visé avec ces lois, c'est de favoriser la conclusion d'un accord quand les parties restent assises sur leurs positions et que les compromis ne se font pas.»

Le conseil d'administration de GM doit se réunir cette semaine pour convenir de la suite des choses. Le temps presse: le groupe a jusqu'à dimanche soir pour présenter un plan de redressement à l'administration américaine... ou déposer son bilan. Tant le président Barack Obama que les dirigeants de GM ont déjà évoqué le spectre d'une faillite au cours des dernières semaines.

Les investisseurs attendent le verdict avec anxiété. Le titre de GM a fortement chuté hier à la Bourse de New York, pour clôturer à 1,15$US, en baisse de 20%.

L'exemple de Chrysler?

Si la restructuration judiciaire est probable au Canada, elle pourrait aussi être évitée grâce à la meilleure tenue de l'économie canadienne. Chrysler, qui s'est protégée de ses créanciers aux États-Unis le mois dernier, poursuit pour l'instant ses activités normales ici.

Michael Hatch, économiste en chef de la Corporation des associations de détaillants d'automobiles du Canada, estime qu'un scénario à la Chrysler est «possible». Il admet toutefois que les concessionnaires sont réalistes et s'attendent à faire d'importantes concessions. GM souhaite fermer 42% de son réseau au pays, soit environ 300 succursales.

Comme aux États-Unis, GM a jusqu'à dimanche soir pour présenter un plan de redressement aux gouvernements du Canada et de l'Ontario, en vue d'obtenir davantage d'aide financière.

L'entreprise a fait savoir par communiqué qu'un nombre d'obligataires «significativement» moins élevé que nécessaire avait accepté les offres d'échange de dette. La société devait recevoir l'appui de 90% d'entre eux pour voir son plan accepté par Washington.

Sandra Perron, porte-parole de GM au Québec, n'a pas rappelé La Presse Affaires hier.