Les producteurs agricoles du monde ne cultivent pas suffisamment de fruits et de légumes pour offrir à la population mondiale un régime alimentaire sain, prévient une nouvelle étude dirigée par le Canada.

L'étude publiée cette semaine dans la revue scientifique PLOS ONE indique que les pratiques agricoles ne suivent pas la cadence en matière d'alimentation, avec une surproduction importante de céréales, de sucres et de graisses tout en cultivant trois fois moins de fruits et légumes que ce que les nutritionnistes suggèrent.

L'étude, dirigée par des chercheurs de l'Université de Guelph et complétée par une équipe de plus d'une douzaine de scientifiques du Canada et du Royaume-Uni, souligne également que la priorité accordée à la production accrue de fruits et de légumes devrait aller de pair avec une réduction de la dépendance au bétail afin de limiter l'impact global du secteur agricole sur l'environnement.

« Nous voulions simplement nous demander si ce que nous produisons globalement correspond aux recommandations des nutritionnistes, a expliqué le coauteur de l'étude, Evan Fraser de l'Université de Guelph. La réponse est non. »

L'étude a comparé les données de production agricole des Nations unies de 2011 avec les directives nutritionnelles énoncées dans le modèle Harvard Healthy Eating Plate ou HHEP, un modèle reconnu internationalement pour une alimentation saine.

L'étude rappelle que le HHEP recommande que 50 % du régime alimentaire d'une personne soit composé de fruits et de légumes, 25 % étant dédiés aux grains entiers et le dernier quart étant réservé à une combinaison de protéines, de matières grasses et de produits laitiers. L'étude note que le Guide alimentaire canadien, mis à jour l'an dernier, préconise 27 % moins de fruits et légumes, 34 % moins de protéines et 60 % de produits laitiers de plus que le modèle HHEP.

Afin de nourrir tout le monde selon les directives du HHEP, l'étude prévient que l'agriculture mondiale devrait produire 15 portions de fruits et légumes par personne par jour. Les données de 2011, cependant, suggéraient que les pratiques actuelles ne rapportaient que cinq portions.

L'étude a également mis en évidence un déficit plus faible de la production de protéines, avec trois portions par personne par jour produites par rapport aux cinq recommandées par le HHEP.

En revanche, dit M. Fraser, d'autres groupes d'aliments étaient grossièrement surproduits.

Selon l'étude, l'agriculture devrait produire une portion d'huile et de produit laitier, aucune portion de sucre et huit portions de grains entiers par personne par jour afin que la population se conforme au HHEP.

Au lieu de cela, on a constaté que les pratiques agricoles de 2011 produisaient trois portions d'huile et de graisse, quatre de sucre, une de lait et douze portions de céréales par jour.

M. Fraser a expliqué que la surproduction tenait à de nombreuses raisons complexes, notant que les habitants des pays pauvres se concentrent souvent sur la culture des céréales, car elles constituent une source de calories bon marché et facile.

Mais il a ajouté que les subventions gouvernementales et les groupes de pression de l'industrie avaient également joué un rôle important, citant à titre d'exemple une subvention de plusieurs milliards de dollars des États-Unis aux producteurs de maïs.

Selon M. Fraser, les ratios culture/régime actuels ont un impact direct sur les niveaux de diabète, d'obésité et d'autres conditions étroitement liées au régime alimentaire, ajoutant que les déficits et les conséquences qui en découlent ne feront que s'intensifier à mesure que la population de la planète continuera à augmenter.

La solution n'est pas aussi simple que de cultiver plus de fruits et de légumes.

M. Fraser a expliqué que si l'industrie agricole corrigeait immédiatement ses déséquilibres et modifiait ses priorités de production pour s'aligner sur le HHEP, un nouveau problème émergerait.

Il prévoit que cela libérerait 51 millions d'hectares de terres arables dans le monde, mais que la superficie totale utilisée pour l'agriculture augmenterait de 407 millions d'hectares, en partie grâce à la disponibilité accrue de pâturages pour le bétail. Les émissions de gaz à effet de serre augmenteraient également en conséquence, selon l'étude.

M. Fraser et l'équipe de chercheurs expliquent qu'une concentration sur la culture de plus de fruits et légumes devrait être accompagnée d'une réduction de la dépendance à l'égard du bétail afin de maintenir l'approvisionnement alimentaire mondial durable.

M. Fraser a dit qu'il « ne peut pas imaginer un agroécosystème sans animaux », arguant que les animaux jouent un rôle dans le recyclage des nutriments dans l'environnement et dans la préservation de la qualité de certains types de terres.

Mais il a ajouté que la meilleure voie à suivre consisterait en une augmentation significative de la production de fruits et légumes avec un abandon des protéines animales.

« Si nous voulons aller de l'avant pour nourrir l'avenir [...] et que nous voulons être en meilleure santé et que nous ne voulons pas augmenter la quantité de terres utilisées par l'agriculture, nous devons à la fois passer à un modèle Harvard Healthy Eating Plate et déplacer notre consommation de protéines du bétail vers les plantes », a-t-il précisé.