La Banque du Canada amorce la réduction de son taux directeur en le réduisant de 5 % à 4,75 % et indique que d’autres baisses sont à venir.

« Le Conseil de direction a convenu que la politique monétaire n’avait plus besoin d’être aussi restrictive et a donc abaissé le taux directeur de 25 points de base, a fait savoir le gouverneur Tiff Macklem. Les données récentes ont renforcé notre confiance que l’inflation va continuer de se diriger vers la cible de 2 %. »

D’autres baisses sont à venir, a-t-il indiqué. « Si l’inflation continue à ralentir et que les données continuent de renforcer notre confiance qu’elle se dirige bien vers la cible de 2 %, il est raisonnable de s’attendre à d’autres baisses du taux directeur. »

Questionné sur la possibilité que la prochaine baisse survienne dès la prochaine décision sur les taux, le 24 juillet, Tiff Macklem s’est fait discret. « Nous prenons nos décisions sur les taux une à la fois », a-t-il répété.

Le gouverneur estime qu’il faut plutôt profiter du moment présent avant de penser à la suite. « Est-ce qu’on peut commencer par apprécier un peu le moment présent ? », a-t-il lancé avant de souligner les progrès accomplis sur le front de l’inflation grâce à la politique monétaire.

De la Banque du Canada à votre budget

  • La plupart des banques canadiennes ont réduit leur taux préférentiel après l’annonce de mercredi de la banque centrale.
  • Pour les détenteurs de prêts hypothécaires à taux variable, l’effet sera rapide, comme il l’a été à chaque hausse du taux directeur
  • Les prêts hypothécaires à taux fixe ne réagissent pas sur le coup parce qu’ils sont liés au marché des obligations. Ils avaient déjà été réduits parce que la décision était anticipée par les marchés. Si vous avez un prêt à taux fixe, il n’y aura pas de changement avant votre prochain renouvellement.
  • Les nouveaux prêts à la consommation (autos, piscines, etc.) devraient être consentis à un taux plus bas qu’avant la décision.
  • Quant aux taux versés sur l’épargne, ils seront moins intéressants dans un avenir rapproché pour les nouveaux dépôts et à mesure que la baisse du taux directeur sera répercutée dans les activités bancaires pour les renouvellements des certificats.

La baisse de 25 points de base du taux directeur, la première depuis quatre ans, a été largement saluée par à peu près tous les acteurs économiques. Elle aura toutefois un impact modeste sur les emprunteurs, souligne David-Alexandre Brassard, économiste en chef de CPA Canada. « C’est plus le signal de la baisse des taux qui est importante », a-t-il commenté.

Atterrissage en douceur

La Banque du Canada estime que l’économie canadienne peut continuer à croître même si l’inflation poursuit sa tendance à la baisse, ce qui serait le scénario idéal connu comme un atterrissage en douceur. « Même si ça ressemble à un atterrissage en douceur, nous ne célébrons pas encore. Mais la piste est en vue », a dit le gouverneur.

Il a rappelé qu’à 2,7 %, l’Indice des prix à la consommation est encore supérieur à la cible de 2 % de la banque centrale. « Le travail n’est pas fini », a-t-il dit.

Si tout se passe comme le prévoit la Banque du Canada, les baisses des taux se poursuivront, mais elles devraient être graduelles et surtout moins rapides que les hausses. Surtout, a prévenu le gouverneur, il ne faut pas s’attendre à ce que les taux d’intérêt reviennent à leur très bas niveau d’avant la pandémie.

« Il serait prudent pour les consommateurs, les entreprises et les gouvernements de ne pas miser là-dessus », a-t-il dit.

Avec cette baisse de 25 points de base du taux directeur, les taux d’intérêt sont maintenant plus bas au Canada qu’aux États-Unis, où les premières baisses de taux se font attendre. Avec sa propre monnaie et un taux de change flexible, le Canada peut mener une politique monétaire indépendante de la Réserve fédérale américaine, a réitéré le gouverneur. « Il y a certainement des limites aux divergences, mais on est encore très loin », a-t-il dit.

Des taux d’intérêt plus élevés aux États-Unis augmentent la demande pour le dollar américain au détriment des autres devises, dont la devise canadienne. Le dollar canadien n’a pas réagi à la décision de la banque centrale de réduire son taux directeur, qui avait été largement anticipée par les marchés.

Le mouvement à la baisse des taux d’intérêt, largement prévu par les marchés financiers et par la plupart des économistes, arrive à point pour les détenteurs canadiens d’hypothèques qui doivent renouveler leurs prêts au cours des prochains mois.

Entre 2022 et 2023, la banque centrale a augmenté dix fois son taux directeur pour juguler l’inflation qui a culminé à plus de 8 % en juin 2022. Depuis, l’Indice des prix à la consommation a reculé et était de 2,7 % en avril, date de la dernière lecture de Statistique Canada.

Juillet ou septembre ?

Maintenant que la baisse des taux d’intérêt est amorcée, la question de la prochaine baisse du taux directeur de la Banque du Canada se pose. Est-ce que ce sera le 24 juillet, date de la prochaine décision sur les taux, ou en septembre ? La plupart des économistes penchent pour le mois de juillet. « Nous serions enclins à parier que la Banque procédera à une nouvelle réduction à sa prochaine réunion de politique monétaire », estiment notamment les économistes de la Banque Nationale. Le gouverneur de la Banque du Canada n’a donné aucune indication à ce sujet mercredi, mais elle aura deux autres rapports sur l’inflation et deux autres sur l’emploi pour se faire une idée. Les huit décisions annuelles de la Banque du Canada sur les taux sont à date fixe et il en reste quatre d’ici la fin de l’année. Le taux directeur de la Banque du Canada devrait être à 4 % à la fin de 2024, selon la plupart des prévisionnistes.

La première baisse du G7

La Banque du Canada est la première banque centrale des pays du G7 à réduire son taux directeur. Les taux d’intérêt canadiens sont donc moins élevés que les taux américains, ce qui affaiblira le dollar. Des taux d’intérêt plus élevés aux États-Unis sont plus attrayants pour les investisseurs, ce qui accroît la demande de dollars américains et réduit la demande pour les autres devises, dont le dollar canadien. Avec un dollar affaibli, les Canadiens paieront plus cher les biens et services importés de l’étranger, ce qui risque d’alimenter l’inflation. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire que les taux d’intérêt sont plus bas au Canada qu’aux États-Unis et s’il y a une limite de différentiel à ne pas dépasser, on en est encore loin, selon le gouverneur de la Banque du Canada. C’est aussi l’avis de plusieurs économistes, dont Ali Jeffrey de la CIBC, qui estime que la Banque du Canada peut se permettre un écart de 100 points de base avec les taux américains.

La chose à faire, selon Eric Girard

Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, dit que la baisse du taux directeur de la Banque du Canada était « la chose à faire ». Toutefois, il estime que même si le taux passe de 5 % 4,75 %, la politique monétaire reste restrictive et va continuer à tempérer la croissance économique. « Il faut être conscient que ça continue d’être difficile notamment pour ceux qui ont pris une hypothèque en 2022, a-t-il commenté. Ça va prendre d’autres baisses conditionnelles à ce que l’inflation continue de baisser ». Il y a des limites à ce que la Banque du Canada peut faire indépendamment de la Réserve fédérale américaine, selon lui. L’inflation a resurgi aux États-Unis, ce qui force la Réserve fédérale à reporter les baisses de taux qu’elle avait prévues. Le ministre Eric Girard est aussi d’avis qu’il peut y avoir jusqu’à 1 % de différence entre les taux canadiens et américains.