Le régulateur doit être craint, a dit lundi le ministre québécois des Finances, Eric Girard, à l’occasion d’un évènement soulignant les 20 ans de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Le ministre a fait son commentaire devant quelque 400 gens d’affaires rassemblés au Palais des congrès de Montréal alors que le gendarme boursier québécois présentait un document de réflexion contenant 30 des meilleures pratiques pour une utilisation responsable de l’intelligence artificielle dans le secteur financier.

Le régulateur n’est pas là pour plaire aux institutions financières qu’il réglemente, a souligné Eric Girard.

« C’est très important que nos institutions financières soient bien capitalisées, qu’elles aient de hauts niveaux de liquidités, et de la transparence dans leurs états financiers. Mais aujourd’hui, les institutions financières sont des compagnies de technologies. Il n’y a pas d’institution financière qui n’est pas à la fine pointe de la technologie. Les assureurs ont des laboratoires de recherche et les compagnies d’assurances en savent plus que bien des climatologues sur les changements climatiques. »

Eric Girard souligne que la valeur ajoutée des institutions financières est bénéfique pour l’économie, mais que pour assurer une stabilité à long terme, il est nécessaire d’avoir un régulateur solide et craint. « Une saine crainte », précise-t-il.

« Quand tu as 20 courriels dans ta boîte de réception, dont un provenant de l’AMF, c’est à celui-là que tu dois répondre en premier. Tu ne dois pas laisser attendre ton régulateur jusqu’à lundi », a-t-il dit pour illustrer sa pensée.

Le PDG de l’Autorité des marchés financiers (AMF), Yves Ouellet, a assuré au ministre que tout allait bien de ce côté. « Les réponses viennent rapidement », a-t-il lancé au micro avec le sourire.

Appelé par La Presse à réagir davantage aux propos tenus par Eric Girard, le grand patron de l’AMF s’est dit convaincu que l’AMF est suffisamment crainte. « Je comprends très bien ce que le ministre veut dire. Il y a un cadre réglementaire et c’est important que les joueurs suivent ce cadre », a dit Yves Ouellet en entrevue en marge de l’évènement.

« On est très préoccupés par l’intelligence artificielle. Il y a beaucoup de possibilités », a ajouté le successeur de Louis Morisset à l’AMF.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Le ministre québécois des Finances, Eric Girard, et le PDG de l’AMF, Yves Ouellet, en discussion lundi lors d’un évènement au Palais des congrès de Montréal

Dompter la bête que peut devenir l’intelligence artificielle est un des principaux défis à relever par l’organisation dirigée depuis six mois par Yves Ouellet, avec les cryptoactifs, les changements climatiques et l’éducation financière.

À propos de la littéracie financière, Eric Girard soutient d’ailleurs qu’il y a effectivement plus d’efforts à faire pour aider les gens à mieux gérer leur épargne et leur crédit.

Je suis un des vulgarisateurs en chef de l’économie et de la finance pour les citoyens, et plus nos citoyens seront éduqués financièrement, plus ils seront aptes à faire face aux aléas de la vie.

Eric Girard, ministre québécois des Finances

L’information est disponible. Le problème, dit Eric Girard, est qu’elle ne se rend pas aux citoyens. « On doit trouver une façon de rejoindre le citoyen avant la prise en charge d’une hypothèque, avant d’avoir une première carte crédit, avant un premier prêt auto. »

À la recherche de solutions, le ministre se questionne ouvertement : est-ce que ça prend un livre Mieux vivre avec son hypothèque ou Mieux vivre avec ses prêts étudiants ?, demande-t-il avec un brin d’humour en référence au guide Mieux vivre avec notre enfant, de la grossesse à deux ans conçu pour les parents.

Du même souffle, Eric Girard ajoute que les heures consacrées à l’enseignement dans nos établissements demeurent limitées. « Est-ce que le système d’éducation peut tout faire quand on demande déjà de faire l’éducation sexuelle, l’éducation économique, l’éducation à la citoyenneté ? Ça fait beaucoup de responsabilités pour notre système d’éducation. »