Le ralentissement de l’économie québécoise a eu des répercussions marquées chez les immigrants permanents, plus nombreux à se retrouver au chômage – un constat jugé « préoccupant » par l’Institut du Québec (IDQ), puisqu’il renverse la tendance positive des dernières années.

Avec la création de 67 000 postes au Québec l’an dernier, il n’y a pas eu de relâchement observé dans le marché du travail, constate l’organisme à but non lucratif dans son plus récent bilan de l’emploi, publié ce mercredi. Le coup de frein sur l’économie a surtout contribué à faire fléchir le nombre de postes vacants, qui est passé de 211 000 à 149 000.

Le portrait comporte néanmoins quelques voyants jaunes. Les postes créés étaient généralement « de moins bonne qualité ». De plus, les immigrants « semblent davantage avoir fait les frais de la hausse du taux de chômage ».

« Historiquement, dans les périodes de ralentissement économique, les immigrants permanents sont plus vulnérables, souligne Emna Braham, directrice générale de l’IDQ. La raison pour laquelle nous sommes plus inquiets : depuis 2016, nous avions constaté une amélioration de leur intégration au marché du travail. Nous présumions d’une amélioration structurelle. Les chiffres sont préoccupants. »

En décembre dernier, le taux de chômage de cette catégorie de travailleurs atteignait 7,5 %, comparativement à 4,7 % à la même période en 2022.

Sur les 49 000 chômeurs qui se sont ajoutés au Québec dans la dernière année, 27 000 étaient des immigrants permanents et 13 000, des immigrants temporaires, note l’IDQ.

En comparaison, le taux de chômage chez les « personnes nées au Canada » et qui résident dans la province demeurait relativement stable, à 3,7 %. La disparité avec les immigrants permanents est donc notable. Mme Braham et son équipe comptent garder un œil sur cette situation en 2024. Il est difficile de déterminer précisément les raisons à l’origine de cette montée du chômage chez cette catégorie de travailleurs.

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Emna Braham, directrice générale de l’Institut du Québec

« Il y a eu des secteurs, comme la finance, l’assurance et l’immobilier, qui ont affiché des reculs l’an dernier, souligne la directrice générale de l’Institut. Est-ce que les immigrants permanents étaient surreprésentés dans ces [créneaux] ? »

Rattrapage à temps partiel

C’est grâce aux postes à temps partiel que le marché du travail a terminé 2023 sur une note positive. Alors que le nombre d’emplois à temps partiel bondissait de 69 900, une contraction de 3200 postes à temps plein a été constatée. Selon Mme Braham, le rattrapage observé du côté de la restauration ainsi que de l’hébergement – deux secteurs éprouvés par les restrictions sanitaires – explique en partie cette situation.

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Selon Emna Braham, le rattrapage observé du côté de la restauration et de l’hébergement explique en partie la hausse du nombre d’emplois à temps partiel.

Le bilan de l’IDQ comporte une bonne nouvelle pour les travailleurs. En dépit des poussées inflationnistes, le salaire horaire moyen était plus élevé en décembre dernier (33,02 $) par rapport à 2019 (31,87 $).

« L’inflation galopante n’a pas tout grugé », affirme Mme Braham.

L’IDQ s’attend à ce que le taux de chômage oscille entre 5 et 6 % cette année.

Un ralentissement économique est généralement source de mises à pied et de licenciements. Cependant, dans un contexte où la main-d’œuvre reste difficile à trouver, bon nombre d’employeurs risquent de vouloir conserver leurs employés le plus longtemps possible.

Dans le marché du travail, cette tendance s’observe déjà chez des employeurs, affirme Julie Lajoie, consultante en développement organisationnel et formatrice chez Joie conseils.

« De plus en plus d’entreprises ont cessé de voir la main-d’œuvre comme une dépense, mais comme quelque chose dans quoi on peut investir et récolter des bénéfices, explique l’experte. Ce que cela démontre, c’est qu’un nombre grandissant de gestionnaires réalisent la valeur réelle de leurs employés sur le terrain. »

L’IDQ s’interroge également sur les effets du ralentissement économique sur les résidants temporaires. L’immigration temporaire a stimulé l’accroissement de la population en âge de travailler l’an dernier. Souvent « contraints à jouer un rôle de réserve » sur le marché du travail, ces travailleurs temporaires s’avèrent souvent « une clientèle vulnérable », qui ne peut rester sans travail pendant de longues périodes, souligne l’Institut.

Quelques chiffres sur l’emploi au Québec

13 000

Les secteurs de la finance, des assurances et de l’immobilier ont été parmi ceux qui ont fait les frais du ralentissement l’an dernier. À la fin de décembre, ils affichaient un recul combiné de 13 000 postes par rapport à la même période en 2022. Parmi les coupes médiatisées, il y a eu celle de 400 postes au Mouvement Desjardins en octobre dernier.

19 000 

Frappés de plein fouet par les confinements pandémiques, l’hébergement et la restauration se sont relevés l’an dernier avec des gains totalisant 19 000 emplois. Tout indique que l’embellie sera de courte durée dans la restauration, avec les fermetures récemment observées.

- 13 000

Montréal a fait piètre figure en 2023 sur le marché du travail, selon l’Institut. Quelque 13 000 postes se sont évaporés l’an dernier. Ce sont les régions limitrophes comme la Montérégie (35 %), les Laurentides (9 %) et Laval (7 %) qui ont plutôt enregistré des gains.

8e

C’est le rang occupé par le Québec à l’échelle nationale en matière de création d’emplois en 2023, avec une croissance de 1,5 %. La province fait légèrement mieux que l’Ontario, où l’emploi a progressé de 1,4 % l’an dernier.

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  • 4,7 %
    Taux de chômage au Québec en décembre 2023
    source : institut du Québec