Japonifier : nouveau verbe, créé pour décrire ce qui se passe actuellement dans la deuxième économie mondiale. Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour le Canada.

L’économie chinoise est sur la même trajectoire que celle du Japon des années 1990, qui a conduit le pays à la stagnation et à la déflation, observent les économistes de Desjardins dans une étude récente.1 C’est ce qu’on a appelé au Japon la décennie perdue, qui a fait perdre au pays son rang de deuxième économie mondiale.

Le mal, semble-t-il, commence toujours de la même façon : une bulle immobilière et financière qui enfle et finit par éclater, qui entraîne dans sa chute le secteur de la construction, le prix des maisons, la rentabilité des banques et qui fait grimper le taux de chômage.

C’est la recette de base qui peut paralyser une économie : les consommateurs ne consomment plus, les banques ne risquent plus.

En Chine, la spirale s’est peut-être amorcée avec la spectaculaire déconfiture du géant de l’immobilier Evergrande, qui a été suivie de celle d’un autre gros promoteur immobilier, Country Garden. Le secteur immobilier est un moteur majeur de l’économie chinoise qui est responsable du tiers de toute la croissance du pays.

Selon les économistes de Desjardins, cette panne de moteur est aggravée par le vieillissement de la population et par le fait que la Chine ne peut pas compter sur le soutien des États-Unis, qui avait aidé le Japon de l’époque à naviguer à travers la crise.

Contrairement au Japon, la Chine doit affronter un climat commercial hostile et des barrières tarifaires qui se multiplient. Son gouvernement est fortement endetté, ce qui limite son pouvoir d’intervention.

Des impacts pour le Canada

La japonification ne guette pas seulement la Chine. Les États-Unis y ont échappé de justesse en 2008-2009, expliquent les économistes de Desjardins, surtout parce que le gouvernement américain et la Réserve fédérale sont intervenus rapidement pour éviter la crise de confiance.

Dans le cas de la Chine, même si la trajectoire de l’économie semble suivre celle qu’a empruntée le Japon dans les années 1990, la japonification reste de la prospective. Les économistes de Desjardins soulignent notamment le fait que le régime autocratique chinois peut imposer des coups de barre radicaux et impopulaires, ce qui n’est pas le cas partout.

Mais si ce scénario se réalise, le fort ralentissement de l’économie chinoise affectera l’économie mondiale. Les marchés financiers internationaux, par exemple, pourraient en subir les contrecoups. C’est un élément important de l’équation que l’étude de Desjardins ne couvre pas.

Les pays qui commercent avec la Chine, et on peut dire tout le monde, seraient affectés par se japonification. Et certains plus que d’autres, dont le Canada.

Même si l’industrie manufacturière chinoise pouvait tenir le coup grâce à la demande internationale, un effondrement de la demande intérieure ferait reculer les prix de l’énergie et des métaux de base qui ont été soutenus depuis des années par le développement de la Chine.

Si, pour certains pays, une baisse du prix de l’énergie et des matières premières serait bénéfique, ce serait une calamité pour le Canada, dont l’économie est très dépendante de l’exploitation des ressources naturelles. Le Canada exporte du pétrole, du fer, du cuivre et d’autres minéraux dont les prix sont fixés sur le marché international.

Si la valeur de ces produits d’exportation baisse, la rentabilité des entreprises, l’investissement et l’embauche en souffriront, prévoit Desjardins. En Bourse, la valeur des entreprises reculera et la devise canadienne se dépréciera.

La Chine était, encore récemment, sur une trajectoire ascendante qui la voyait coiffer les États-Unis au titre de première économie mondiale dans quelques années. Les récents signaux en provenance de la Chine sont moins optimistes. La croissance revient lentement et de façon chaotique depuis la pandémie et le taux de chômage augmente, au point où le gouvernement a cessé de publier les statistiques sur le chômage élevé des jeunes. Voilà que d’autres scénarios évoquent maintenant un autre chemin, celui du déclin.

1. Lisez l’étude de Desjardins