Chaque samedi, un de nos journalistes répond, en compagnie d’experts, à l’une de vos questions sur l’économie, les finances, les marchés, etc.

J’aimerais savoir pourquoi les taux d’intérêt sur les emprunts à court terme sont plus élevés que ceux à long terme. J’ai 66 ans et je ne me souviens pas d’avoir vu cela. Est-ce que l’on prévoit une récession ou est-ce que l’on prévoit que les taux vont diminuer bientôt ?

R. Bilodeau

Pour répondre à cette question, La Presse a fait appel à Daren King, économiste et analyste financier à la direction Économie et Stratégie chez Banque Nationale Marchés financiers, à Montréal.

D’emblée, Daren King rappelle que « la courbe des taux n’est habituellement pas inversée, avec les taux à court terme plus faibles que les taux à long terme ».

Pourquoi ? L’explication de base découle du fonctionnement du marché des produits de crédit et de financement.

« Pour l’essentiel, quand un prêteur prête de l’argent à quelqu’un ou à une entreprise pour une courte durée, le risque d’un défaut de remboursement est habituellement moins risqué que lorsqu’il prête sur une période de dix ans », indique M. King.

« C’est pourquoi les prêteurs imposent habituellement un taux d’intérêt plus élevé sur un emprunt de dix ans que sur un emprunt à court terme d’un an. »

Or, constate Daren King à l’instar du lecteur de La Presse, « on est maintenant dans une conjoncture inhabituelle où la courbe des taux est inversée, c’est-à-dire que les taux d’intérêt à court terme dépassent les taux à long terme ».

Une conjoncture inhabituelle, certes, mais pas inédite, précise l’économiste de la Banque Nationale.

« Ça s’est produit à quelques reprises au cours des récentes décennies, contrairement à l’observation de votre lecteur. Entre autres, on a vu un épisode d’inversement de la courbe de taux juste avant la pandémie, en fin d’année 2019, rappelle Daren King.

« Auparavant, ça s’était produit juste avant la crise financière en 2008 et la récession qui a suivi. C’était survenu aussi au début des années 2000 après l’éclatement de la bulle techno dans les marchés financiers et son impact négatif sur l’économie. »

Pourquoi ces épisodes surviennent-ils ?

Ce qu’on observe en général, c’est que lorsque les perspectives économiques sont en train de s’assombrir, il se produit une inversion de la courbe de taux d’intérêt dans les marchés financiers.

Daren King, économiste et analyste financier

« D’ailleurs, quand on prépare des modèles de prévisions économiques, on utilise la courbe des taux d’intérêt parmi les indicateurs qui peuvent nous aider à voir si l’économie s’en va en récession ou pas. »

Dans ce contexte, est-ce que la récente inversion de la courbe des taux d’intérêt annonce une prochaine récession ?

Daren King souligne que cette fois-ci, l’inversion de la courbe des taux découle surtout des récentes décisions de la Banque du Canada de rehausser fortement son taux directeur, ce qui a fait passer les taux d’intérêt à court terme au-dessus des taux à long terme.

« La courbe des taux est devenue inversée après une période de hausses de taux d’une rapidité historique. En 15 mois à peine, le taux directeur de la banque centrale est passé de 0,25 % en mars 2022 à 4,75 % à la mi-juin, rappelle M. King.

« C’est ce qui incite les marchés financiers à penser que les taux d’intérêt deviennent trop restrictifs, et qu’ils pourraient amener l’économie en récession. »

Cela dit, chez Banque Nationale Marchés financiers, quel est le pronostic pour les prochains mois ?

« Dans le contexte actuel, ça devient sûr et certain qu’un ralentissement de l’économie se prépare, mais sans nécessairement aboutir en véritable récession, répond Daren King.

« Aussi, au fur et à mesure de ce ralentissement, il deviendra de plus en plus probable que les taux d’intérêt aient atteint un plafond et qu’ils se remettent à baisser. »

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