(Ottawa) La ministre des Finances, Chrystia Freeland, estime que l’économie canadienne est suffisamment résiliente pour absorber la plus récente hausse du taux d’intérêt décrétée par la Banque du Canada sans tomber en récession.

Dans la foulée, elle dit s’inquiéter de l’effet qu’aura cette nouvelle hausse sur les familles canadiennes, qui peinent à joindre les deux bouts en raison de l’inflation et qui doivent maintenant composer avec les taux d’intérêt les plus élevés des 20 dernières années.

Témoignant devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales, la ministre a souligné que le Canada affiche le taux de croissance le plus élevé des pays du G7 depuis le début de l’année et que le marché de l’emploi continue de surprendre malgré les hausses successives du taux directeur de la Banque du Canada au cours des 12 derniers mois pour juguler l’inflation. Le taux de chômage demeure historiquement bas, à environ 5 %, tandis que l’on dénombre aujourd’hui 900 000 emplois de plus qu’avant la pandémie de COVID-19, a-t-elle énuméré.

Mais certains économistes estiment qu’une récession guette le pays en raison du resserrement sans précédent de la politique monétaire.

L’économie canadienne est forte et résiliente et je pense que c’est bien possible que l’on se retrouve dans une situation où l’économie reste forte et l’inflation revient à un niveau normal et stable. On n’a pas de garanties, mais je pense que c’est bien possible.

Chrystia Freeland, en réponse à une question du sénateur et économiste Clément Gignac

Mme Freeland est venue expliquer devant le comité sénatorial les principales mesures de son dernier budget. Le comité étudie le projet de loi C-47, qui vise à mettre en œuvre le budget.

Choix budgétaires

Auparavant, la ministre a été obligée de défendre les choix budgétaires du gouvernement Trudeau au cours des dernières années – les libéraux n’ont jamais présenté de budget équilibré depuis leur arrivée au pouvoir en 2015 – à la suite des questions insistantes de la sénatrice conservatrice Elizabeth Marshall.

« Vous avez perdu le contrôle des dépenses », lui a lancé la sénatrice, reprenant ainsi une ligne d’attaque du chef conservateur, Pierre Poilievre, à la Chambre des communes.

« Le Canada se retrouve dans une situation financière très responsable », a répliqué Mme Freeland, relevant que les agences de notation ont maintenu la cote AAA du Canada à la suite du dépôt du dernier budget fédéral. « Le Canada affiche aujourd’hui le déficit le plus bas des pays du G7 et le ratio le plus bas de la dette en proportion du PIB », a dit la ministre.

Commentant plus tôt dans la journée la décision de la Banque du Canada d’augmenter le taux directeur, Mme Freeland a dit en prendre acte et a rappelé que la Banque du Canada mène une politique monétaire indépendante. Elle s’est toutefois dite inquiète de l’impact de cette neuvième hausse du taux directeur sur la capacité de payer des familles canadiennes.

« Il y a toujours deux enjeux qui créent de vraies difficultés pour les Canadiens. D’un côté, il y a l’inflation. D’un autre côté, il y a les taux d’intérêt élevés. J’ai une confiance absolue dans le fait que l’inflation est en train de diminuer et qu’on va arriver à un niveau d’inflation stable et normal », a dit la ministre devant les journalistes. Elle a repris à son compte les projections de la Banque du Canada selon lesquelles le taux d’inflation devrait s’établir à 3 % d’ici la fin de l’été.

Projet de loi C-47

Mme Freeland a tenu ces propos le jour même où le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a promis de parler sans arrêt à la Chambre des communes à compter de mercredi soir pour empêcher l’adoption du projet de loi C-47 visant à mettre en œuvre le budget.

Il a ainsi donné le coup d’envoi à la guérilla parlementaire promise par son parti tant que le gouvernement Trudeau ne présentera pas un plan de retour à l’équilibre budgétaire.

Selon le chef conservateur, le dernier budget est mauvais pour les familles canadiennes parce qu’il alimente l’inflation en raison des dépenses élevées qu’il prévoit.

« Aujourd’hui, je vais me lever à la Chambre des communes pour le débat sur le budget et je vais continuer de parler et de parler et de parler sans arrêt pour empêcher l’adoption de ce budget », a annoncé le chef conservateur durant un discours devant ses députés qui était ouvert aux médias.

M. Poilievre a affirmé que le Canada était au bord d’une crise financière en raison de la hausse importante des taux d’intérêt au pays au moment où les Canadiens ont des dettes hypothécaires très élevées.