Le mariage forcé d’UBS et de Credit Suisse, consommé durant le week-end, de même que l’intervention concertée de cinq banques centrales, dont celle du Canada, pour augmenter la disponibilité de dollars américains semblent avoir eu l’effet escompté sur les principaux marchés financiers, du moins temporairement.

Les Bourses européennes, qui avaient ouvert en baisse, ont fini la journée en territoire positif à Paris (+ 1,27 %), Londres (+ 0,93 %), Milan (+ 1,54 %) et Francfort (+ 1,12 %). Le titre d’UBS, qui a finalement dû accepter une fusion forcée avec Credit Suisse, a perdu 15 % de sa valeur à l’ouverture de la séance, mais a fini en hausse de 1,27 %.

Les nuages semblent s’être un peu dissipés sur le secteur financier, mais ils ne sont pas disparus pour autant. Après la clôture des marchés, l’agence de notation S&P Global Ratings a abaissé la perspective d’UBS de stable à négative dans l’éventualité que les problèmes de Credit Suisse nuisent à son nouveau propriétaire.

Le géant financier suisse deviendra encore plus gros avec l’achat de Credit Suisse pour l’équivalent de 3 milliards US, ce qui suscite de l’inquiétude en Europe.

De ce côté-ci de l’Atlantique, les Bourses de New York et de Toronto ont bien digéré les évènements du week-end. Le Dow Jones s’est apprécié de 1,2 %, l’indice NASDAQ a pris 0,4 % et l’indice élargi S&P 500 a progressé de 0,9 %. Le titre de la First Republic Bank, qui a dû être rescapée par ses pairs avec une injection de capitaux de 30 milliards US, a continué sa dégringolade et perdu 47 % de sa valeur, mais l’indice sectoriel des banques a fini sur une note positive.

À Toronto, l’indice S&P/TSX a fini la journée en hausse de 132 points (+ 0,7 %).

Un dépanneur ouvert en tout temps

En même temps que les autorités suisses se dépêchaient d’arranger le mariage entre UBS et Credit Suisse à temps pour l’ouverture des marchés asiatiques, dans la nuit de dimanche à lundi, les banques centrales des États-Unis, du Canada, du Japon, de l’Angleterre et la Banque centrale européenne annonçaient qu’elles rendaient disponibles du financement en dollars américains tous les jours au moins jusqu’à la fin du mois d’avril.

Les banquiers centraux, qui sont les banques des banques commerciales, veulent surtout rassurer les marchés, explique David Dupuis, professeur à l’Université de Sherbrooke et spécialiste de la politique monétaire. « Ce n’est pas tant la mesure qui est importante que le message qu’elle véhicule, soit : nous sommes présents », dit-il.

Ces accords de swap entre les principales banques centrales existent déjà et sont normalement disponibles pour les banques commerciales sur une base hebdomadaire. Ils sont maintenant disponibles tous les jours, un peu comme un dépanneur ouvert une fois par semaine et qui devient ouvert tous les jours.

L’objectif des banques centrales est d’éviter que l’offre de crédit se resserre pour les ménages et les entreprises et finisse par affecter toute l’activité économique. La prolongation des accords de swap s’adresse surtout aux banques européennes, puisque les banques canadiennes qui ont pour la plupart des activités aux États-Unis disposent d’autres canaux d’échange. Aussi, les banques canadiennes sont « noyées dans les réserves », souligne David Dupuis.

Selon lui, les autorités monétaires ont appris de la crise financière de 2008 et ont décidé cette fois-ci d’agir vite et beaucoup pour éviter que les problèmes de la Silicon Valley Bank (SVB) et de la First Republic Bank aux États-Unis, et ceux de Credit Suisse en Europe, contaminent l’ensemble du système financier. « Elles en font plus que le client en demande », estime-t-il.

Des règles qui changent

Ainsi, la FDIC, l’agence fédérale américaine chargée de la protection des dépôts, a décidé de rembourser tous les déposants de la SVB, même si ses obligations se limitent aux dépôts de 250 000 $ US et moins.

De même, dans leur hâte pour trouver une solution aux problèmes de Credit Suisse, les autorités monétaires suisses ont privilégié les actionnaires de Credit Suisse plutôt que les détenteurs de titres de dette dits AT1 (Additional Tier 1), qui sont comptabilisés dans les fonds propres de la banque. Ces investisseurs devraient assumer 17 milliards US de pertes, alors que les actionnaires de Credit Suisse normalement plus à risque recevront des actions d’UBS. Ce changement inopiné des règles du jeu en vigueur dans le système financier depuis la crise de 2008 est loin de faire l’affaire de tout le monde.