Après une semaine marquée par plusieurs drames avec des enjeux de santé mentale en trame de fond, le milieu syndical et communautaire craint de voir les nouveaux investissements de 27 millions annoncés par Québec pour le domaine se solder par un « coup d’épée dans l’eau ».

Selon le budget présenté mardi par le ministre des Finances, Eric Girard, Québec investira 40 millions de plus cette année pour accroître l’accès aux services de santé mentale, en itinérance et en dépendance (211 millions sur cinq ans).

Précisément pour répondre aux enjeux de santé mentale, les montants atteignent 27 millions en 2023-2024. De plus, 22 millions seront investis pour le soutien aux jeunes en difficulté et la mise en œuvre des recommandations de la Commission Laurent.

Or, on sait peu de choses pour le moment quant à la façon dont ces nouvelles sommes seront dépensées, pointe l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS).

Le budget du ministre Girard se targue en effet de vouloir « bonifier l’appui aux organismes communautaires œuvrant dans le domaine de la santé et des services sociaux » et « accroître les services en santé mentale, en itinérance et en dépendance », sans plus de détails.

« Ces investissements constituent un pas dans la bonne direction, mais le budget est avare de détails. Nous demandons au gouvernement d’annoncer ses couleurs rapidement sur la façon dont ces engagements seront concrétisés pour améliorer véritablement l’accessibilité aux services », déplore le président du syndicat dans un communiqué émis en fin d’après-midi.

Besoin de mesures « structurantes »

Dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre, l’APTS craint de voir ces nouvelles sommes n’être qu’un « coup d’épée dans l’eau » si elles ne sont pas accompagnées « d’améliorations au niveau des conditions et de l’organisation du travail » pour les intervenants.

Dans le milieu communautaire, on juge ces nouvelles sommes « bienvenues », mais toujours « insuffisantes » afin de combler le manque de ressources, indique la co-coordonnatrice du Regroupement des Ressources alternatives en Santé mentale du Québec (RRASMQ), Anne-Marie Boucher.

« Ce serait une erreur de penser l’action mentale seulement en termes de services, par exemple dans le public. Agir en santé mentale, c’est aussi investir dans les logements sociaux, lutter contre la pauvreté : des mesures structurantes, payantes et qui font une différence concrète dans la vie des gens », ajoute-t-elle.

Or, ce budget contient peu « de matière à espoir » pour les Québécois vivants dans la précarité, estime Anne-Marie Boucher. « Par exemple, un réinvestissement dans AccèsLogis […], des mesures pour rehausser le revenu disponible, l’aide sociale, et faire en sorte que les services publics soient à la hauteur des besoins des citoyens », précise-t-elle.

Des sommes « peu ambitieuses »

Malgré les drames de Laval, Amqui et Rosemont qui ont ébranlé le Québec, l’enjeu de la santé mentale obtient « une note de bas de page » dans le budget Girard, a déploré Québec solidaire. Le Parti québécois a aussi dénoncé des « sommes peu ambitieuses ».

« C’est extrêmement important », s’est défendu le ministre Girard qui a rappelé que le gouvernement a fait des investissements notables depuis qu’il est au pouvoir. « Les besoins ont augmenté », admet-il.

La co-coordonnatrice du RRASMQ, Anne-Marie Boucher, refuse toutefois de jeter la pierre au ministre dans l’immédiat compte tenu de la complexité de ces dossiers. Si elle salue les nouveaux investissements dans les centres de crise, Mme Boucher juge qu’une tournée du terrain s’impose pour entendre les solutions que les gens du milieu ont à proposer.

« Ce serait illusoire qu’en l’espace d’une semaine, un gouvernement puisse tirer toutes les leçons des drames qui se sont déroulés dernièrement et déployer immédiatement tout ce qu’il faut », dit-elle

Avec Fanny Lévesque, La Presse