Oubliez les baisses de taux avant encore « très longtemps », car les taux continueront d’augmenter, prévient Jean Boivin, ex-sous-gouverneur de la Banque du Canada.

Aujourd’hui directeur général du BlackRock Investment Institute, Jean Boivin a lancé plusieurs avertissements jeudi en prononçant une allocution durant un évènement organisé jeudi par l’organisme CFA Montréal au centre-ville.

Devant plus de 500 hommes et femmes d’affaires rassemblés pour l’occasion, Jean Boivin a affirmé que « la récession est la cure à cette maladie d’inflation ».

« On voit un tournant dans l’inflation. C’est positif », a-t-il dit. Mais il faut apprendre à composer avec l’inflation, prévient celui qui a déjà représenté le Canada au G7 et au G20. « Passer de 9 % à 6 % et de 6 % à 4 % sera relativement facile. »

Passer de 4 % à 2 % sera toutefois une autre paire de manches, selon lui.

Il n’y aura pas une ligne directe vers 2 %, dit-il. « Il y aura beaucoup plus à faire. Et ce n’est pas en ligne avec ce que l’on voit dans le marché. »

Du point de vue d’un banquier central, ce qu’il était dans un emploi précédent, « entre générer une récession pour ramener le taux d’inflation à 2 % ou risquer de perdre le contrôle de l’inflation et ma crédibilité, c’est un no-brainer. Les banquiers centraux vont choisir la récession ».

Le taux directeur de la Fed n’atteindra pas un sommet prochainement, pense Jean Boivin. Il ne croit donc pas à un début d’assouplissement monétaire cette année. Croire à une telle éventualité lui apparaît « incohérent ».

Les hausses de taux ne sont pas terminées

Il juge que les marchés sous-estiment probablement à nouveau la persistance de l’inflation. « Elle s’atténuera progressivement, mais elle restera supérieure aux attentes des marchés et aux cibles des banques centrales. »

Et ce n’est pas parce qu’il y aura une récession que les banques centrales seront en mesure d’y répondre, ajoute-t-il.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Jean Boivin est aujourd’hui directeur général du BlackRock Investment Institute.

Ce n’est pas parce qu’on augmente les taux que les prix décident de baisser d’eux-mêmes. La raison pour laquelle les taux font baisser l’inflation, c’est à travers un ralentissement de l’activité économique.

Jean Boivin, directeur général du BlackRock Investment Institute

La Fed continuera donc à augmenter les taux, affirme-t-il. « Ce n’est pas terminé », dit Jean Boivin en parlant des hausses.

Il s’attend à une pause éventuellement plus tard cette année. Mais il insiste sur le fait qu’il s’agira d’une pause et non pas du début d’un cycle d’assouplissement. « Les banquiers centraux ne seront pas en mesure de procéder à un assouplissement avant encore très longtemps. Oubliez les baisses de taux avant très longtemps. »

Jean Boivin estime qu’il faut s’attendre à traverser une récession où l’inflation sera au-dessus de la cible des banquiers centraux, « une situation qu’on n’a pas vue depuis 40 ans », souligne-t-il.

Également panéliste à l’évènement organisé jeudi midi, le vice-président, économiste en chef et stratège au Mouvement Desjardins, Jimmy Jean, se montre de son côté un peu plus encourageant. La Banque du Canada sera prête en fin d’année à amorcer « avec modération » un processus de normalisation monétaire, selon son scénario de base.

Il préconise néanmoins toujours une posture défensive même si les marchés boursiers ne sont plus surévalués. « Ils ne sont pas une aubaine pour autant », dit-il en regardant les ratios cours-bénéfices.

Indiquant au passage que les économistes ont tendance à sous-estimer l’ampleur d’une récession, Jimmy Jean souligne que les attentes de profits des entreprises demeurent plutôt optimistes alors que l’économie pourrait déjà être en récession. Les investisseurs font ainsi preuve de complaisance, selon lui. À son avis, le portrait va se détériorer cette année avant de s’améliorer. « Ça ira mieux en 2024 », conclut-il.