Il y a encore beaucoup de chemin à faire avant que le Canada, les États-Unis et le Mexique forment une équipe économique capable d’affronter la Chine et ses alliés dans les secteurs les plus porteurs de l’économie.

Le sommet dit des Trois Amigos qui s’est tenu la semaine dernière au Mexique a montré les limites de l’accord de libre-échange qui lie les trois pays, alors que la pandémie et la guerre en Ukraine forcent l’économie mondiale à se redéfinir.

La rencontre de Mexico a été un succès à plusieurs égards. Le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, qui ne cache pas qu’il veut garder ses ressources chez lui, pétrole, électricité ou minéraux, a montré des signes d’ouverture. Ses partenaires canadien et américain se plaignent depuis longtemps des limitations qu’il a imposées à leurs entreprises en matière d’investissement.

Le Canada est revenu du sommet avec l’assurance d’un règlement prochain sur le retard accumulé dans les demandes d’adhésion des voyageurs canadiens au programme Nexus, qui facilite le passage de la frontière américaine.

Le principal gain du Canada et du Mexique concerne toutefois le calcul du contenu étranger admissible dans les véhicules américains.

Les deux pays contestaient la formule de calcul restrictive des Américains. Ils ont obtenu gain de cause, mais pas en discutant avec leur homologue américain. Il a fallu pour ça qu’ils s’adressent au groupe spécial de règlement des différends de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM).

C’est un bon exemple de ce qu’est vraiment l’Accord de libre-échange nord-américain conclu en 1994 et mis à jour en 2020 : un moyen de régler les problèmes tout en permettant à trois pays protectionnistes de continuer à faire leurs petites affaires et de préserver le statu quo pour plaire à l’électorat.

Le Mexique peut ainsi décider de garder ses ressources pour lui. Le Canada travaille fort pour maintenir son système de gestion de l’offre dans le secteur laitier. Et les États-Unis, sous l’ancien président comme sous l’actuel, peuvent lancer des programmes massifs d’aide financière pour rapatrier chez eux la production industrielle sans se soucier de l’impact de ces politiques nationalistes sur leurs partenaires et alliés.

Rien n’a vraiment changé dans la composition des échanges économiques entre les trois pays, et les mêmes problèmes qu’il y a 30 ans sont encore sur la table. Pensons au bois d’œuvre.

Des rencontres rares

Il faut souligner que les dirigeants des trois pays signataires de l’ACEUM ne se rencontrent pas très souvent. L’an dernier, le président mexicain avait boudé l’invitation de Joe Biden à participer au Sommet des Amériques, qui a réuni la plupart des pays du continent. Le dirigeant mexicain ne sort guère de son territoire.

À la fin du sommet de Mexico, la semaine dernière, on a appris que le président américain visiterait le Canada en mars. Il s’agira de la toute première visite officielle d’un président américain depuis celle de Barack Obama, en 2009. Il y a eu bien sûr un hiatus sous l’ex-président, mais Joe Biden, entré en fonction depuis plus de deux ans, n’avait pas encore trouvé le temps de venir au Canada. La pandémie explique en partie cette absence, mais le président américain a quand même beaucoup voyagé dans le monde depuis son élection.

Le premier ministre canadien et le président américain ont eu d’autres occasions de se rencontrer, mais les grands évènements qui réunissent les pays du G7 ou les funérailles d’État ne sont pas tellement propices aux discussions de fond.

Rien ne remplacera jamais les rencontres personnelles entre leaders pour faire changer les choses et mettre du piquant dans la sauce un peu fade d’un accord de libre-échange comme il en existe tant.

C’est ce qui s’est passé la semaine dernière à Mexico et c’est encourageant à plusieurs égards. Le sommet des Trois Amigos a été relancé l’an dernier à l’initiative du président Biden, après un passage à vide de cinq ans dans les relations entre les trois pays. Cette année, pour la première fois, il a été question de se doter d’une politique commune pour développer un secteur d’activité, celui des semi-conducteurs, sur le continent nord-américain.

C’est l’obsession actuelle des États-Unis, dont l’économie est trop dépendante des semi-conducteurs de pointe fabriqués en Asie et qui veut rapatrier cette production qui est désormais le nerf de la guerre économique.

En faisant appel à ses partenaires de l’ACEUM pour relever le défi de créer une nouvelle chaîne d’approvisionnement dans les semi-conducteurs, le président américain pourrait contribuer à faire évoluer l’ACEUM, d’un accord de libre-échange vers une union économique nord-américaine tournée vers l’avenir. Il y aurait tant à faire ensemble, notamment sur la transition énergétique, la lutte contre les changements climatiques et l’intégration des immigrants.

On est encore loin, bien loin, du Team America que certains voient tenir tête à la Chine dans les prochaines années, mais c’est peut-être le début de quelque chose.

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    Nombre d’accords de libre-échange ratifiés par le Canada, avec 51 pays
    Source : Gouvernement du Canada